tag:blogger.com,1999:blog-6777482113393076962024-02-20T20:35:24.795-08:00« Amadeus » ne méritait pas ça !Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.comBlogger20125tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-47050950441024992302012-03-05T23:30:00.000-08:002012-03-10T10:05:32.443-08:00"Amadeus" ne méritait pas ça !<div style="font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhL9avokVTRtLTNBwYCy4744SL0TnpeKR4u91pZDVEfFkUOJRo2ADq6NO71eUgShu77muxJqyradFxDvjmLwcDY3_G3E162gUkzBU-vYML2MMzBpJ7_a09Ze1gw6Fg3p0ccaKXA-5lMWoI/s1600/amadeus.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhL9avokVTRtLTNBwYCy4744SL0TnpeKR4u91pZDVEfFkUOJRo2ADq6NO71eUgShu77muxJqyradFxDvjmLwcDY3_G3E162gUkzBU-vYML2MMzBpJ7_a09Ze1gw6Fg3p0ccaKXA-5lMWoI/s1600/amadeus.png" /></a><span style="font-size: small;"><span style="color: black;">Aucun film « en costume » n’a eu, au XXème siècle,
autant d’impact que l’ « Amadeus » de Milos Forman, le film
« aux huit Oscars ». Si les mozartiens, malgré les énormités dont il
est émaillé, n’ont pas bronché à sa sortie, en 1984, c’est parce
qu’ « Amadeus » était aussi la reconstitution somptueuse d’une
époque révolue mais qui nous fascine toujours, avec d’excellents acteurs et une
bande-son évidement superlative. Et ce film a effectivement
enchanté plusieurs générations d’amoureux de Mozart, tout en permettant à
d’innombrables collégiens et lycéens, dûment encadrés par leurs professeurs de
musique, de découvrir le « Génie de
Salzbourg » ailleurs que dans une salle de classe. La beauté formelle de
l’ensemble, son raffinement et l’élégance des dialogues de la version française
(certains en alexandrins) rachetèrent bien des approximations. Après les
indispensables mises au point historiques, la magie du film opérait pour tous.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="color: black;">Seulement voilà : cet
« Amadeus », tourné à Prague en 1983, est ressorti dans une version
de trois heures, sous-titrée «<i>The
Director’s cuts</i> » (« Le montage du metteur en scène ». Et
rien ne va plus. Il est même fascinant de voir à quel point quelques scènes
d’une vulgarité gratuite et d’une bassesse inouïe, grâce au ciel absentes de la
version originale, ont suffi à dégrader et à décrédibiliser un chef-d’œuvre
comme celui-là. Comme il en faut peu pour abîmer les plus belles choses !
Mais comment Milos Forman a-t-il pu tomber aussi bas ? Car il affirme en
personne - dans les <i>bonus</i> de son
« Amadeus » nouvelle manière - tenir depuis toujours à cette version
intégrale, et ajoute que seul le refus des distributeurs de programmer un film de
trois heures l’avait contraint de l’amputer de quelques scènes en 1984; des
scènes calamiteuses - et surtout imaginaires - qu’il a donc de son propre chef réinjectées.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="color: black;">Le réalisateur a certes toujours pris des libertés avec ses
sources historiques : dans son (superbe) « Valmont » de 1989,
pour ne citer que cet exemple, on ne retrouve aucune des situations des
« Liaisons dangereuses » de Laclos. Mais peu importe car Valmont et
Mme de Merteuil ne sont, après tout, que des personnages de fiction qu’un
artiste de la trempe de Forman peut bien s’arroger le droit de faire vivre à sa
façon. Il en va tout autrement pour Mozart, son épouse Constance et
surtout son père Léopold, dont un millier de lettres sont parvenues jusqu’à
nous – grâce au zèle de Constance et de son second époux, qui ont mis vingt ans
à les rassembler. Des lettres pas assez nombreuses pour affirmer de façon
péremptoire et définitive qui étaient leurs auteurs, mais assez éclairantes
pour comprendre qui ils n’étaient pas. Et Wolfgang, Constance et Léopold
n’étaient pas du tout les marionnettes que le réalisateur a faites d’eux dans la
version intégrale de son film. Car les faits sont têtus et la correspondance
des Mozart toujours là - traduite en français depuis 1994 par Geneviève
Geffray, alors conservatrice de la bibliothèque du Mozarteum de Salzbourg. Tous
les extraits de lettres que je cite en proviennent, sans exception.</span><span style="color: black;"></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="color: black;">Car il y a plus grave : si la pièce de théâtre de Peter
Shaffer dont Forman s’est directement inspiré annonce clairement la
couleur dans une postface - écrite après la sortie du film : <i> « on ne le dira jamais assez : je
n’ai pas écrit, dans ma pièce, une
biographie objective et documentée de Mozart »</i> - , rien de tel avec
« Amadeus » : les spectateurs le reçoivent en pleine face, au
premier degré et sans la moindre restriction, submergés qu’ils sont par la
force et la beauté des images, devenues la Vérité. Les questions
posées par le public à la fin des conférences que je donne régulièrement sur
Mozart ne laissent planer aucun doute : ce film, aujourd’hui encore, reste
l’unique référence de beaucoup de mélomanes qui ont pris une œuvre de fiction
pour un récit historiquement étayé. Et cette nouvelle version
d’ « Amadeus », si inférieure à la première et encore plus
« mythomane » qu’elle, ne peut donc que leurrer ceux qui vont à leur
tour la découvrir et la prendre pour argent comptant.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="color: black;">Il m’a semblé par conséquent que la coupe était pleine, qu’il
était urgent d’épingler chaque scène où le vrai et le faux sont
inextricablement mêlés et de démontrer, lettres de la famille Mozart à l’appui,
pourquoi tel ou tel épisode ne pouvait être qu’imaginaire. </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="color: black;">Sans la moindre intention de casser un mythe, bien au
contraire : il ne s’agit pour moi, très sincèrement, que de rendre justice
à des êtres envers lesquels j’ai la plus grande révérence (et la plus grande
affection) et qui méritent tous – Salieri compris ! - d’entrer dans la
mémoire collective sous leurs vrais visages, et non sous le masque trompeur de
caricatures <i>made in Hollywood</i>. </span></span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com23tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-11448924433930385242012-03-05T23:00:00.000-08:002012-05-22T10:20:43.673-07:00Mais d’où vient ce prénom d’ « Amadeus » que Mozart n’a jamais porté ?<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Comme
tous les enfants de son époque, le petit Mozart reçut à sa naissance de
nombreux prénoms. Voici ceux qui figurent sur son acte de naissance : <i>Johannes Chrysostomus Wolfgang Theophilius Mozart</i>.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">Or
lorsque Léopold Mozart - qui avait pourtant perdu cinq nourrissons avant ce petit garçon
– annonça comme par inadvertance, et au milieu d'un tas de considérations techniques, sa naissance à Jacob Lotter (qui éditait à Augsbourg son "Ecole du violon"), il
traduisit en allemand le prénom grec du parrain de son fils,
« Theophilius » (qui signifie « Aimé de Dieu ») :
« </span><b style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;"> </b><i style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">Je vous annonce que le 27 janvier, à huit heures du soir, ma femme a
heureusement accouché d’un garçon (…..). Il s’appelle
Johannes-Chrysostomus-Wolfgang-Gottlieb</i><span style="font-family: Verdana, sans-serif;"> ».</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">En
voyage en Italie avec son père, Mozart, à 14 ans, s’amusa un beau jour à
traduire pour sa mère et sa sœur ses noms et prénoms en italien et
signa : <i>« Wolfgang en
Allemagne, Amadeo de Mozartini en Italie </i>». Il fera un fréquent usage
de cet « Amadeo » dans ses lettres, jusqu’au moment où il traduira
son second prénom en français – une langue que pourtant il affirmait
détester ! C’est donc ce second prénom-là que l’on peut lire à Salzbourg
sur la façade de sa maison natale, et celui qu’il choisit pour sa
signature : « <i>Wolfgang Amadè Mozart</i> ».</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<span style="font-size: small;">Le
prénom « Amadeus » n’apparaît que quatre fois dans les documents
concernant le compositeur :</span></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<br /></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<span style="font-size: small;">-</span><span style="font-size: small;"> sur le diplôme de
<i>Maestro</i> que l’Académie philharmonique
de Bologne a décerné au Mozart de 14 ans,
car le diplôme est rédigé en latin ;</span></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
<span style="font-family: Verdana, sans-serif;">- dans le post-scriptum d'une lettre à sa mère et à sa soeur, écrit le 16 décembre 1774 de Munich - où le Mozart de 18 ans montait sa "Finta Giardiniera". Mozart plaisante avec les femmes de sa famille en latin de cuisine : </span><br />
<span style="font-family: Verdana, sans-serif;"> P. S. "<i>J'ai mal aux dents !</i></span><br />
<span style="font-family: Verdana, sans-serif;"><i>Johannès Chrisostomus Wolfgangus Amadeus Sigismundus Mozartius Mariae Annae Mozartae matri et sorori"</i>, ce qui se traduit par : "<i>Johannès Chrisostomus Wolfgang Amadeo Mozart à Marie-Anne Mozart, sa mère et sa soeur</i>".</span><br />
<span style="font-family: Verdana, sans-serif;"><br /></span><br />
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<span style="font-size: small;">- </span><span style="font-size: small;">dans une autre lettre, mais du 14 novembre 1777, où Mozart plaisante là encore avec son père en latinisant tous ses
prénoms « <i>moi, Johannès Chrysostomus
Amadeus Wolfgangus Sigismondus Mozart…</i> » ;</span></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<br /></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<span style="font-size: small;">- </span><span style="font-size: small;">et enfin sur son
acte de décès – lui aussi en rédigé latin.</span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Le
second fils vivant de Mozart, en revanche, né cinq mois avant la mort de son
père, fut bien baptisé « <i>Franz Xaver
Wolfgang Amadeus Mozart</i> ». Il interpréta les concertos pour piano de
son géniteur et composa lui-même quelques petites choses plutôt bien ficelées
qu’il signa, sur les conseils de sa mère et de son beau-père, « Wolfgang
Amadeus Mozart ». D’où sans doute une confusion entre les prénoms du père
et ceux du fils.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Même
si « Amadeus » sonne incontestablement mieux
qu’ « Amadeo » ou même qu’« Amadé », il faut tout de
même savoir que jamais personne n’a fait usage de ce prénom du vivant du
compositeur. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">« Amadeus »
étant une succession particulièrement virtuose de <i>flashbacks</i> et de retours vers le présent, oscillant du Salieri jeune
(car il n’avait que 6 ans de plus que Mozart) au Salieri très âgé, j’ai cru
pertinent d’énumérer les erreurs - le plus souvent volontaires - qui émaillent
certaines scènes du film dans l’ordre où elles apparaissent à l’écran. En les faisant
précéder d’une phrase tirée soit du film, soit des lettres de Mozart.</span><br />
<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhrJdZQvpl8QgyNXswmuxLkYntNJx-i-TwU2_8HdkNIsWXN7BVEQohzq9oPlOJx-rynls1YV64aFOJSuEWUJ1iPx0A6uN6PkXIrXpLUe-VxPbLHP43WvisGQ9w-NkQ1TzFU2Lce6qOONlo/s1600/Wolfgang_Amadeus_Mozart_Signature.svg.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="71" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhrJdZQvpl8QgyNXswmuxLkYntNJx-i-TwU2_8HdkNIsWXN7BVEQohzq9oPlOJx-rynls1YV64aFOJSuEWUJ1iPx0A6uN6PkXIrXpLUe-VxPbLHP43WvisGQ9w-NkQ1TzFU2Lce6qOONlo/s320/Wolfgang_Amadeus_Mozart_Signature.svg.png" width="320" /></a></div>
</div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-69699261211287833022012-03-05T22:31:00.000-08:002012-03-10T10:08:32.076-08:00« Je t’ai tué, Mozart ! Pardonne à ton assassin ! »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjAj-oZBTZtvuMf1UMrUux7-nPF2StqDMZ-fN1z4OgsQHP0XeyMoDWduMxN8xQU6XDXv7F5e9f4cQ4WVGoQ_CIFh49SmkZOgFGUtMt82cE0pkArRVg1yKXRpy5Jy7jBG3UUIWyWdG5GTfY/s1600/salieri.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjAj-oZBTZtvuMf1UMrUux7-nPF2StqDMZ-fN1z4OgsQHP0XeyMoDWduMxN8xQU6XDXv7F5e9f4cQ4WVGoQ_CIFh49SmkZOgFGUtMt82cE0pkArRVg1yKXRpy5Jy7jBG3UUIWyWdG5GTfY/s1600/salieri.png" /></a></div>
<span style="font-size: small;">« Amadeus »
s’ouvre sans préavis sur une scène choc : Antonio Salieri (1750-1825),
vieux et riche, se tranche la gorge après avoir imploré le pardon de Mozart
(mort 32 ans plus tôt). Il est ensuite transporté en piteux état dans un asile
d’aliénés où il finira ses jours, à 75 ans. Il y recevra un jour la visite d’un
jeune prêtre viennois, devant qui ce vieillard amer va revivre la relation de
haine/amour qu’il entretint avec Wolfgang Amadé Mozart. Au XVIIIème siècle en
effet, les suicidaires - qui ne représentaient aucun danger pour autrui - étaient
certes internés mais pris en charge par des prêtres - et non par des
psychiatres qui n’existaient pas encore !</span><br />
<br />
<span style="font-size: small;">Les
faits, qui se sont déroulés en 1823, sont en grande partie véridiques :
Salieri a bien été interné un an et demi avant sa mort et s’est bien accusé
d’avoir empoisonné Mozart, avant de se rétracter ensuite farouchement et
jusqu’à son dernier souffle - mettant cet aveu sur le compte de la folie.
L’aperçu que donne Forman d’un asile d’autrefois, avec ses fous enfermés dans
des cages de fer ou menés à coups de trique est terrifiant, mais sans doute
assez proche de ce qu’était effectivement ce type d’établissement avant les
« camisoles » chimiques d’aujourd’hui.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Aucun
document sérieux, en revanche, ne fait mention de gorge tranchée ni de
tentative de suicide de la part de Salieri, dont il semble bien que scénariste
et metteur en scène aient voulu, pour des raisons cinématographiques évidentes,
dramatiser l’internement.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Le
voeu de chasteté que le même Salieri affirme avoir fait devant Dieu, afin que
le Créateur lui accorde le même talent qu’à Mozart, est également une fiction :
Salieri se maria à l’âge de 27 ans, eut sept enfants et entretint des années
une liaison officielle avec la célèbre soprano Caterina Cavalieri – la
chanteuse qui créa le rôle de Constanze dans « L’Enlèvement au
Sérail » et que le film fait (à tort) passer pour la maîtresse de Mozart.
Gai, bon vivant, aimant les femmes et la bonne chère, Salieri fut l’antithèse
de l’ascète tout de noir vêtu que nous présentent Shaffer et Forman. Son goût
pour les sucreries, récurrent dans le film, est en revanche bien mentionné par
son biographe, et Salieri perdit effectivement ses deux parents à l’age de 12
ans. A 16 ans, il débarquera bien à Vienne où, protégé par Grassmann, Gluck et
Métastase, il connaîtra une ascension très rapide et surtout une réussite
professionnelle complète - avec, entre autres, 37 opéras à succès appréciés
dans l’Europe entière.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Comme
quoi il n’était pas nécessaire autrefois d’avoir du « génie » pour
réussir – d’autant moins que cette notion de « génie », née à
l’époque romantique, était tout à fait inconnue au XVIIIème siècle.</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-36408599690815333002012-03-05T22:30:00.000-08:002012-03-18T10:13:31.130-07:00« J’enviais, non le petit enfant prodige, mais ce père qui lui avait tout appris »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhsmamiKeKNYnLJxmnVmyfGSAOa1EFpx6mRgUiVyPXLZGalh_5CmYFC_RGljAte8iGy21oDinRb6N8pX-QKQjjMzxpXxSwocUNRqQMrgY7ZmInQ2VSrkcHlJ8speeDKcSzBrd8C9Bx6PO0/s1600/mozartjeune.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhsmamiKeKNYnLJxmnVmyfGSAOa1EFpx6mRgUiVyPXLZGalh_5CmYFC_RGljAte8iGy21oDinRb6N8pX-QKQjjMzxpXxSwocUNRqQMrgY7ZmInQ2VSrkcHlJ8speeDKcSzBrd8C9Bx6PO0/s1600/mozartjeune.png" /></a></div>
<span style="font-size: small;">Le
film, dans un premier retour en arrière, nous montre Mozart enfant qui, sous le
regard extasié de Léopold, joue du clavecin devant le Pape avec les yeux bandés
; juché sur un tabouret, l’enfant exécute ensuite quelques mesures au violon.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">C’est
à la fois vrai et faux : si Mozart, entre 7 et 10 ans, a bien fait le tour des
cours européennes, il n’est allé en Italie qu’à 13 ans révolus et n’a jamais
joué devant le Souverain Pontife - même si le pape Clément XIV le reçut
effectivement en audience et le décora « Chevalier de l’Éperon
d’or », alors que Wolfgang n’avait que quatorze ans. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">D’autre
part, Mozart ne joua pas de violon devant les grands de ce monde lors de cette longue tournée
européenne. A Linz, en revanche (à la frontière autrichienne), il exécuta un menuet sur son petit violon d'enfant pour impressionner le douanier - évitant au passage à ses parents la fouille de leurs bagages ! Wolfgang n’a en fait commencé sérieusement l’étude de cet instrument
qu’à onze ans passés. </span></span><br />
<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">Et lorsque Léopold voulait impressionner l’auditoire, il
faisait recouvrir le clavier d’une étoffe par-dessus laquelle son petit garçon
jouait avec la même précision que si les touches avaient été visibles. Mais
c’est là un exploit difficile à rendre à l’écran, ce qui explique sans
doute l’option des « yeux bandés » finalement choisie par le
metteur en scène.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Une
chose pourtant est authentique, dans le récit du Salieri de Forman :
Léopold Mozart a effectivement « tout appris à son fils ».
Contrairement à tous les jeunes garçons de son temps (comme Michel et Joseph
Haydn, sans parler de Léopold lui-même), ni Wolfgang ni sa sœur Nannerl (absente
du film) n’allèrent en pension chez les frères. Ils apprirent à lire, à écrire
et à compter avec leur père, une chose de tout à fait exceptionnelle à cette
époque : car nous savons que Mozart et Constance mettront eux-mêmes leur fils aîné en
pension à la campagne, dès que « le Karl » aura atteint l’âge de sept
ans (l’âge de raison) - deux mois à peine avant la mort de son père.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Ce
choix de Léopold fut très heureux car on peut se demander avec angoisse
comment le petit Wolfgang – certes surdoué mais très vulnérable affectivement
- aurait survécu dans un internat du
XVIIIème siècle ! Léopold aurait-il gardé un souvenir mitigé de ses
propres années de pension chez les Jésuites d’Augsbourg ? Toujours est-il
qu’en plus des trois langues étrangères qu’il maîtrisait - l’italien, le
français et l’anglais -, Léopold enseigna à ses deux enfants, à domicile, les
disciplines musicales qu’il jugeait indispensables : clavecin, violon,
chant, orgue et composition.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Qu’il
en soit éternellement remercié !</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-21925480197701836612012-03-05T22:29:00.000-08:002012-03-10T10:09:22.873-08:00« Sur le papier, ça n’avait l’air de rien »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhkKiShTclBYQYO6Q9evoQl_ADfqEaPMsr7AWfWT0lBs9X3sfmlMnNWyBDq31v_XFGMZ4O6Wp9ZODHXXB2Gs5F04vDUIbDvAt8XiFh3_8MDXhPTMfsbqQ0j2BhZsPKskFwUZjq3bbbPyQA/s1600/amadeus02.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="208" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhkKiShTclBYQYO6Q9evoQl_ADfqEaPMsr7AWfWT0lBs9X3sfmlMnNWyBDq31v_XFGMZ4O6Wp9ZODHXXB2Gs5F04vDUIbDvAt8XiFh3_8MDXhPTMfsbqQ0j2BhZsPKskFwUZjq3bbbPyQA/s320/amadeus02.jpg" width="320" /></a><span style="font-size: small;">Dans
une autre séquence du film, Salieri se remémore une partition de Mozart :
celle de la « Gran Partita pour instruments à vent » qu’il
découvrit négligemment posée sur un pupitre, dans le palais de Colloredo, et
qui provoqua son émerveillement.
Plusieurs décennies plus tard, Salieri en fait au soir de sa vie une
brillante analyse pour le prêtre devant qui il égrène ses souvenirs, dans ce
qui est sans conteste l’une des scènes les plus authentiques du film ; une
séquence qui prouve, en tous cas, que le musicologue-conseil de Milos Forman,
- Zdenek
Mahler, un parent du compositeur Gustav Mahler - savait de quoi il
parlait ; même s’il a par ailleurs laissé passer – mais a-t-il eu un autre
choix ? - tellement d’erreurs parfois impardonnables.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">« Ce
n’était certes pas un singe savant qui avait pu composer cela », conclut
Salieri avec une extrême clairvoyance.</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-27892917104467667572012-03-05T22:28:00.000-08:002012-03-10T10:09:53.576-08:00« Mais pourquoi Dieu a-t-il choisi cet enfant obscène pour instrument ? »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Salieri
évoque ensuite une scène, pour lui très choquante, à laquelle il dit au prêtre
avoir assisté en cachette : Mozart lutinant Constance sous une table, dans
la résidence même de l’archevêque Colloredo et juste avant le début d’un
concert qu’il devait diriger. Puis Mozart faisant sa demande en mariage à la
jeune fille en s’exprimant à l’envers (pas en verlan, mais vraiment à
l’envers). Et enfin lui faisant deviner des expressions aussi élégantes que
« trou de mon cul » etc…(je vous renvoie au film pour en savoir
davantage).</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Pour
écrire cette scène (imaginaire, faut-il le préciser), Forman et son conseiller
se sont basés sur le fait que Mozart, en tournée en Italie, signait parfois
« <i>Trazom »</i> ses lettres à sa
sœur et à sa mère, et jouait volontiers avec la langue allemande qu’il aimait
en effet à triturer et parfois à inverser. Mais il n’avait alors que 14 ans.
Furent également prises en compte certaines lettres de Wolfgang à sa cousine
germaine – avec qui il avait fricoté à l’age de 21 ans -, des lettres dont
certaines contiennent des plaisanteries scatologiques ; mais cela ne
faisait pas de Mozart « un enfant obscène », pour citer le Salieri
ulcéré du film : il était simplement un homme du XVIIIème siècle, où ce
type de propos était courant et même prisé de tous, y compris dans les milieux
aristocratiques. La chose est certes difficile à admettre aujourd’hui mais
voici, à titre d’exemple, un compliment versifié daté du 23 octobre 1777,
adressé par une amie de Nannerl à la mère de Mozart et qui parle mieux que de
longs discours : </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><i>Dis à ta mère, que je vénère, </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><i>Que je l’aime toujours et la revoir
espère. </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><i>Que son amitié soit présente, </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><i>Aussi longtemps qu’au cul elle aura une
fente. </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><i>Portez-vous bien, chers amis, dans la
joie et ce qu’il vous plait, </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><i>Et faites de temps en temps un petit duo
de pets ». </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Étrange
époque, en vérité !</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-79029898997835873792012-03-05T22:27:00.000-08:002012-03-10T10:12:25.158-08:00« Elles sont toutes magnifiques ! Pourquoi n’ai-je pas trois têtes ? »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<a href="http://ts3.mm.bing.net/images/thumbnail.aspx?q=1631647498730&id=472ca04ab2d3515d9004559d72be4775" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://ts3.mm.bing.net/images/thumbnail.aspx?q=1631647498730&id=472ca04ab2d3515d9004559d72be4775" /></a><span style="font-size: small;">Séquence
suivante : Mozart essaie des perruques de couleurs et de formes
fantaisistes, tandis que le pauvre Salieri s’échine à lui écrire une marche de
bienvenue. Amusant mais faux car Mozart, une fois à Vienne, n’a justement plus
jamais porté de perruque : il faisait poudrer de blanc puis nouer ses
cheveux en catogan par un coiffeur qui venait chez lui tous les matins avant
six heures. La raison de ce choix ? C’est le ténor irlandais Michael
O’Kelly (1762-1826), le premier don Basilio des « Noces de Figaro »,
qui nous la donne :<b> </b>« <i>Mozart était un homme remarquablement petit,
très maigre et très pâle, avec une profusion de beaux cheveux fins dont il
était très fier</i><b> </b>».</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
existe deux portraits authentiques de Mozart adulte, tous deux réalisés en
avril 1789 et qui nous montrent effectivement le compositeur « en
cheveux », corroborant ainsi la description d’O Kelly : celui peint
par son beau-frère Joseph Lange et la miniature à la pointe d’argent, qui orne
la couverture de mon essai sur Mozart et que nous devons au talent de Doris
Stock. On y voit effectivement un homme frisé aux tempes déjà dégarnies, avec
quelques fils blancs au dessus des oreilles et dont les cheveux (chez Doris du
moins, car le portrait de Lange est inachevé) sont rassemblés sur la nuque et
attachés par un long ruban foncé. Le portrait de Mozart aujourd’hui le plus
utilisé – en redingote rouge, avec une
perruque blanche et surtout un air méprisant – est un faux peint en 1813 à
partir d’un portrait de Mozart à Salzbourg, à peine sorti de l’adolescence et
posant avec son père et sa sœur en tenue d’apparat.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Parlons à présent du ricanement chevalin dont Forman a absolument
tenu à affliger Mozart – alors qu’aucun des proches du compositeur n’en a
jamais fait mention dans les documents qui nous sont parvenus. Sophie, la plus
jeune sœur de Constance, de loin celle qui a donné le plus de renseignements
sur Wolfgang, nous fait entrevoir une personnalité bien différente :
« <i>Il était toujours de bonne humeur
mais même là, très absorbé, regardant dans les yeux d’un regard perçant,
répondant à tout, que ce fût gai ou triste, avec à-propos, bien qu’il parût
absorbé par autre chose. Même en se lavant les mains, le matin, il allait et
venait dans la chambre, ne restait jamais tranquille, choquant un talon contre
l’autre, et toujours réfléchissant. À table, il prenait souvent un coin de sa serviette,
le tordait, se le passait et repassait sous le nez, et, absorbé dans ses
pensées, semblait ne pas s’en rendre compte. Souvent il joignait à ce geste une
grimace de la bouche…Il était toujours en mouvement des mains et des pieds,
jouait toujours avec quelque chose, son chapeau, ses poches, sa chaîne de
montre, des chaises, comme avec un clavier ».</i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<span style="color: black; font-size: small;"><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">Un hyperactif rêveur, semble-t-il. Ou un pierrot
lunaire, infiniment plus sympathique et plus émouvant, en tous cas, que la
« tête à claques » que Forman a créée de toutes pièces.</span></span>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-81905723289824867342012-03-05T22:26:00.001-08:002012-03-19T00:46:17.553-07:00« Si sa Seigneurie est mécontente de moi, que sa Seigneurie me renvoie »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">L’archevêque Colloredo, tout de pourpre et de dentelles vêtu, précédé d'une volée de soutanes, fait dans le
film une entrée fracassante, et pour cause : même s’il dépendait politiquement des Habsbourg
– de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche et de son fils Joseph II, pour être
précis - Colloredo était </span><i style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">Primas Germaniae</i><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">, autrement dit l’archevêque le plus puissant de la sphère germanique, juste après le pape. Et il était seul maître à bord dans sa prospère
principauté de Salzbourg, où il édictait ses propres lois. </span></span><br />
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<span style="font-size: small;">Son arrogance et son
mépris envers Mozart ne sont pas davantage une fiction car comme beaucoup de
ses pairs "allemands", Colloredo ne voyait en ses musiciens de cour
que des domestiques, privés du droit le plus élémentaire de se démettre de leur
fonction. </span></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana, sans-serif;">
<span style="font-size: small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Le film montre Mozart proposant à sa Seigneurie de quitter
son service : dans la réalité, Mozart envoya à Colloredo quatre lettres de
démission - qui, toutes, restèrent sans réponse.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Et c’est là que le film s’égare : Forman nous montre Mozart
saluant très bas la foule de ses admirateurs, tournant délibérément le dos à
son maître en lui montrant par la même occasion un derrière ironique, et
reprenant sa liberté sous les vivats de ses <i>fans</i>.
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">La réalité fut hélas beaucoup plus cruelle et voilà ce que Mozart,
le 6 mai 1781, écrivit à son père au sujet de cette entrevue avec Colloredo, à
Vienne : « <i>tout d’une haleine</i>
<i>il m’a traité de fou, de gueux, de
parasite. Cela allait comme un incendie, oh ! Je ne pourrais pas tout vous
écrire</i> ! ». </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Fatigué d’attendre une réponse à ses quatre demandes, Wolfgang retourna un mois
plus tard chez le Prince-Archevêque. Mais c’est le comte Arco, directeur du
personnel de sa Seigneurie, qui se chargea de l’accueillir. Lettre à Léopold du
8 juin 1781 : « <i>pendant quatre
semaines, on fait marcher quelqu’un ; et à la fin, quand ce quelqu’un est
obligé de présenter lui-même sa requête, on le flanque à la porte et on lui
donne un coup de pied au cul. C’est ça, le comte qui a tant de cœur (si j’en
crois votre dernière lettre) ? C’est ça, la cour où je dois servir ?
Cela s’est passé dans l’antichambre, de sorte qu’il n’y avait pas autre chose à
faire que de sauter dehors et de s’enfuir ». </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mozart n’a donc arraché sa liberté qu’au prix d’une terrible
humiliation publique que, pour une raison pour moi incompréhensible (car le
réalisateur n’hésitera jamais, par ailleurs, à noircir le tableau), Milos
Forman a choisi de ne pas nous montrer. </span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-80043627899049565972012-03-05T22:26:00.000-08:002012-03-10T10:13:11.660-08:00« Jeune homme, j’ai pour vous beaucoup d’admiration »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicn54OzQOmgPWqPY-3zNoq2G1K0AoXjf6OihmREFAQOXHNcr4EqahazW2tnnvmI9Q-3ecg2xiDv9bVMZCPwjiXelf6xCTKx34e9-zctPQjtuBCQ5J1EhMIj0jM-0K8DGLsvCmPEv6NtUU/s1600/van+swieten.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="263" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicn54OzQOmgPWqPY-3zNoq2G1K0AoXjf6OihmREFAQOXHNcr4EqahazW2tnnvmI9Q-3ecg2xiDv9bVMZCPwjiXelf6xCTKx34e9-zctPQjtuBCQ5J1EhMIj0jM-0K8DGLsvCmPEv6NtUU/s320/van+swieten.jpg" width="320" /></a></div>
<span style="font-size: small;">Venons-en à la première rencontre de Mozart avec l’empereur Joseph
II et ses conseillers. Alors que tous les hommes présents portent des perruques
avec catogan et rouleaux sur les oreilles, nous remarquons un personnage
affublé d’une longue perruque noire bouclée à l’ancienne, que l’Empereur
présente comme le baron Gottfried van Swieten ; une auguste figure qui,
d’emblée, exprime à Mozart sa plus profonde admiration. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Si Forman a coiffé comme Louis XIV cet homme de grande culture,
polyglotte, qui fut conseiller d’ambassade à Paris puis ambassadeur d’Autriche
à Berlin, c’est parce ce dernier connaissait et vénérait la musique baroque,
celle du XVIIème et du début du XVIIIème siècle - en un temps où elle était
oubliée (et surtout négligée) de tous. C’est même dans les salons de la Bibliothèque
impériale, dont van Swieten était l’administrateur en chef,
que Mozart déchiffrera bientôt du Haendel (déjà entrevu en Angleterre), du Jean-Sébastien
Bach mais aussi de la musique des fils du cantor de Leipzig. Il est certain,
comme l’attestent les portraits que nous avons de lui, que Gottfried van
Swieten portait comme ses contemporains une perruque blanche et courte, mais
cette erreur de costume – qui n’en est évidemment pas une – montre à quel point
Milos Forman était bien renseigné sur les hommes et les événements qu’il
mettait en scène. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mais pourquoi, en ce cas, ne pas avoir partagé ses connaissances
avec les spectateurs du film ? Pourquoi ne pas leur avoir montré Mozart
jouant et chantant des cantates de Bach et des oratorios de Haendel chez van
Swieten, comme il le fera chaque semaine avec son groupe d’amis ? Trop
compliqué à filmer ? Ce fut en effet plus simple de faire un clin d’oeil
aux (rares) spécialistes de Mozart en jouant sur la coiffure du mordu de
musique ancienne qu’était Gottfried van
Swieten. Mais la démarche, très élitiste, n’est pas forcément sympathique.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">L’anecdote que se remémore ensuite Joseph II au sujet de sa sœur
Marie-Antoinette - celle qui devait
si mal finir, avait juste un an de plus que Mozart et releva le Wolfgang
de six ans après une glissade sur le parquet ciré -, figure bien dans la
biographie de Mozart que Nikolaus von Nissen a écrite d’après les souvenirs de
Constance (dont il fut le second mari). Une histoire de demande en mariage
(« quand je serai grand, je vous épouserai ») que ladite Constance a
du entendre maintes fois raconter par son époux ou par son beau-père - bien
qu’elle ait peu connu ce dernier.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<span style="color: black; font-size: small;"><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">Est authentique également le désir de Wolfgang
de composer un opéra en allemand : né d’un père bavarois, grandi tout
près de la frontière allemande, voici en effet ce que Mozart écrivit le 21 mars
1785 au dramaturge Anton Klein, pour le remercier de l’envoi d’un livret qu’il
ne put hélas mettre en musique, l’opéra italien prenant alors toute la place à
Vienne : « <i>Ce serait vraiment
une tâche pour l’Allemagne si, nous autres Allemands, nous nous mettions
sérieusement à penser en allemand, à agir en allemand, à parler en allemand et
même à chanter en allemand !</i> »</span></span>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-66635154778772641892012-03-05T22:25:00.000-08:002012-03-10T10:15:09.762-08:00« Que Votre Majesté garde la partition, je l’ai déjà dans la tête »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj18xmvZUdSG9-pzwHOFvQ0LgeNx8lHoMJBGPt8jVsHkNEPZC5gBitYoUNAQMz0wnBL01Oud0YAnI96yjzUhfB_Yn1b6G6jeymvXKjgB1O4YnqYD9YuVIoN0gnEtWbTqURh1jHg9glrguk/s1600/mozart2.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj18xmvZUdSG9-pzwHOFvQ0LgeNx8lHoMJBGPt8jVsHkNEPZC5gBitYoUNAQMz0wnBL01Oud0YAnI96yjzUhfB_Yn1b6G6jeymvXKjgB1O4YnqYD9YuVIoN0gnEtWbTqURh1jHg9glrguk/s1600/mozart2.png" /></a></div>
<span style="font-size: small;">Puis arrive la fameuse scène où Mozart, avant de prendre congé de
Joseph II, rejoue de mémoire, puis complète et embellit considérablement,
l’insignifiante petite marche de bienvenue écrite par Salieri, à laquelle il
semblait pourtant n’avoir prêté aucune attention en entrant dans la pièce. Ce
qui, bien sûr, humilie profondément l’Italien qui se jure alors de « faire
obstacle de toutes ses forces » à Mozart
- en qui il voit l’incarnation de ce Dieu qui lui a refusé le talent et
« fait de lui un muet ». Raymond
Leppard, l’un des conseillers musicaux du film « Amadeus »,
s’est même donné beaucoup de mal pour dénicher dans l’œuvre de Salieri un
morceau qui puisse devenir, sous les doigts de Mozart, le point de départ du
« <i>non piu andrai</i> » de
Figaro - que Wolfgang en réalité n’écrira que quatre ans plus tard.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Cette scène est pourtant totalement inventée et la vérité bien
plus extraordinaire que ce que nous montre le film. Mozart, âgé de 21 ans et
toujours à la recherche d’une situation, se trouvait à Paris avec sa mère quand
on le présenta à Cambini (1746-1828), l’une des gloires de la capitale
française. Voici
ce que Wolfgang rapporta à son père de cette entrevue, dans une lettre du 1er
mai 1778 : « <i>Sans le vouloir,
j’ai rabaissé Cambini aux yeux de Legros (</i><i>le Directeur du Concert spirituel</i><i>) à la première entrevue : il a
composé des quartetti et j’en ai entendu un à Mannheim, ils sont très jolis et
je lui en ai fait le compliment. Je lui en jouai le début, il y avait là
Ritter, Raam et Punto, ils n’eurent de cesse que je continue et que j’improvise
ce dont je ne me rappelais plus. C’est ce que je fis. Cambini était hors de lui
et ne pouvait s’empêcher de dire « questa è un gran testa »
(quelle tête !) Mais cela ne lui aura guère plu. » </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Autrement
dit, Mozart a été capable de rejouer de mémoire le début d’un quatuor à cordes
entendu deux mois plus tôt ; autre chose, assurément, que de mémoriser une
petite marche jouée au piano l’instant d’avant ! L’énormité de l’exploit -
et surtout ses conséquences - aurait pourtant dû intéresser le cinéaste
car, effectivement furieux et surtout très puissant, Cambini fit déprogrammer la
« symphonie concertante » de Mozart prévue pour le lendemain et lui barra
désormais l’accès à tous les concerts parisiens à venir. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mais
le véritable propos de Shaffer et de Forman étant d’étudier les relations entre
un « génie » et un compositeur ordinaire et conscient de sa
médiocrité, il fallait bien que ce pauvre Salieri – qui n’en demandait sans
doute pas tant - se retrouve mis à toutes les sauces. </span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-46876279928847606362012-03-05T22:24:00.000-08:002012-04-09T03:25:29.604-07:00« Ah ! Si vous pouviez voir l’Archiduc ! »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">En
avançant dans le film, nous voyons Joseph II très tenté d’engager Mozart comme
professeur particulier de la princesse Elizabeth de Würtemberg, et Salieri
bassement manoeuvrer pour que Mozart soit obligé, avant d’obtenir ce poste, de
soumettre sa musique à un comité de lecture ; dans l’espoir – exaucé - que
Wolfgang, par orgueil, refuse cet examen. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
s’agit d’une fable de plus : si Wolfgang n’obtint effectivement pas le poste
convoité – attribué à un certain Georg Summer, un proche de Salieri -, ce ne
fut pas pour avoir refusé de présenter sa musique à un jury mais parce
qu’il a eu le tort, le 17 novembre 1781, d’écrire à son père avec la franchise
et le manque de prudence qui le caractérisaient. Voici ce que dit Mozart à
Léopold de l’Archiduc Franz - le plus jeune frère de Joseph II, par l’entremise
de qui il espérait devenir le professeur de musique particulier de la princesse
: « <i>Quand d’ordinaire Dieu donne une
charge à quelqu’un, il lui donne aussi l’intelligence ! Ah ! Si vous
pouviez voir l<’Archiduc</i><i>></i><i> ! L<’imbécillité> lui sort
par les yeux, il parle et discourt sans arrêt à l’infini et tout en fausset, il
se rengorge, en un mot il semble que le personnage soit complètement
retourné ! … Quant au Prince (le frère de la princesse Elizabeth en
question) c’est une perche de 18 ans, un vrai veau</i> ».</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Or
le courrier à cette époque là était intercepté et lu par les autorités - à
Vienne mais aussi à Salzbourg, Léopold Mozart s’en plaindra pendant des
années ; et tout particulièrement le courrier des gens qui prétendaient
pénétrer l’entourage de la famille impériale. Comment Joseph II aurait-il engagé
Mozart après pareille lettre ? Car le code familial qu’utilisaient les
deux Mozart pour brouiller les pistes et rendre inintelligibles certains noms
propres ou certains détails compromettants (des mots placés, dans la " correspondance
Mozart " comme dans la citation ci-dessus, entre des parenthèses pointues) était
hélas facile à décrypter et ne trompa personne.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Si
Mozart savait être ironique et mordant, il ne se vantait pourtant jamais et
surtout pas aux dépens de ses confrères compositeurs. Cela saute aux yeux en
lisant ses lettres à son père : il lui raconte que le théâtre était plein,
que la recette a été bonne, mais pas un mot sur la qualité de sa production
(qui sans doute allait de soi, pour le père comme pour le fils). Lettre à
Léopold du 29 mars 1783 : « <i>Je crois
qu’il ne sera pas nécessaire de vous écrire longuement sur le succès de mon
académie, vous en avez sans doute déjà entendu parler. Réellement, il était
impossible que la salle soit plus remplie, elle était comble et toutes les
loges étaient occupées »</i><b>. </b>Ce
que Forman fait répondre à Mozart dans son film
- « Mozart, vous n’êtes pas le seul compositeur à Vienne !»
« Non, mais je suis le meilleur ! » – est donc de l’invention pure
et simple. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Car
j’ai vraiment cherché, dans les lettres de Wolfgang – en pure perte, car elles
n’existent pas –, les traces de cette fameuse arrogance dont parlent trop de
biographies, écrites ou filmées. Les seules critiques que j’y ai trouvées s’adressent
à des instrumentistes aimant trop la dive bouteille (Richter, à Strasbourg) ou
jouant mal sa musique (à Paris, notamment) ; ou bien à des chanteurs qui
ne mettaient pas assez d’expression dans leur jeu (comme le ténor Raaf). De la
production de ses confrères, pas un mot désobligeant. Et quand Mozart se plaint
à son père des Italiens de Vienne - qui font siffler, voire sabotent, tous ses premiers
opéras -, il ne porte aucun jugement sur leurs œuvres. Lettre à Léopold du
21 juillet 1782, à propos de « l’Enlèvement au Sérail » :
« <i>Auriez-vous pu penser qu’hier la
cabale a été encore plus forte que le premier soir ? Tout le premier acte
a été sifflé, mais ils n’ont pas pu empêcher les puissants « bravo »
pendant les airs »</i><b>. </b>Autre lettre, du 7 mai 1783 cette fois : « <i>Nous avons ici un certain Abate Da Ponte,
poète de son état. Il doit écrire un nouveau livret pour Salieri, et il m’a
promis d’en écrire ensuite un pour moi. Qui sait à présent s’il pourra ou
voudra tenir parole, vous le savez, Messieurs les Italiens sont très aimables
par devant ! Suffit, nous les connaissons ! S’il s’entend avec
Salieri, je n’en obtiendrai jamais rien de ma vie !</i> ». </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mozart, qui avait rencontré le vieux Sammartini (un maître de la
symphonie) et travaillé le contrepoint avec le Padre Martini pendant son
adolescence, savait ce qu’il devait à la musique italienne et ne se serait
jamais permis d’en dire du mal. Il n’a pas davantage éreinté la musique de
Salieri ni d’aucun autre, et ce que lui fait dire le
film « Amadeus » : « Les Italiens, naturellement, toujours
les Italiens, musicalement des crétins ! » est tout simplement faux.</span></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
en va de même dans les lettres de Léopold à son fils : impossible d’y
dénicher le moindre compliment. C’est à Nannerl que Léopold parlera du
« magnifique concerto » que son frère a joué à Vienne en sa présence,
en 1785. Il est intéressant aussi de lire les conseils que Mozart père donna à Wolfgang
pendant les répétitions des « Noces de Figaro » : <b>« </b><i>Cherche simplement à garder tout l’orchestre de bonne humeur, à les
flatter et à te préserver leurs bonnes grâces en les félicitant comme il faut.
Car je connais ta manière d’écrire, elle exige de tous les instruments la plus
grande attention, à tout instant, et ce n’est pas une plaisanterie pour
l’orchestre que de devoir soutenir un tel zèle et une telle attention pendant
au moins trois heures</i><b> ». </b></span></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Que
nous voilà loin du « génie » adulé par son père, et surtout du
compositeur bouffi d’orgueil ! </span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-67933769741219769232012-03-05T22:23:00.000-08:002012-03-10T10:17:15.724-08:00« Alors ce sont… des originaux ? »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjSOdQC4ci3Purg0dS0iU3Bt_QoTNTXUxvSNrfLiqgCP5HQpOP-r8GASnTexrO22UyPSQzRzTuNMpM2NJKQ2rlOIeAKgn9VM9jRvWqtg0GOlxVNCaKZOkezQuJBlW3zQOnXJYbe6_05XE8/s1600/salier2i.png" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="138" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjSOdQC4ci3Purg0dS0iU3Bt_QoTNTXUxvSNrfLiqgCP5HQpOP-r8GASnTexrO22UyPSQzRzTuNMpM2NJKQ2rlOIeAKgn9VM9jRvWqtg0GOlxVNCaKZOkezQuJBlW3zQOnXJYbe6_05XE8/s320/salier2i.png" width="320" /></a></div>
<span style="font-size: small;">Nous
tombons à présent (c’est le mot) sur l’affreuse séquence qui, dans
l’ « Amadeus » nouvelle manière, dépasse les bornes
de la malhonnêteté intellectuelle ; LA séquence qui m’a d’ailleurs
poussée à réagir alors que la scène originale – tout aussi imaginaire,
d’ailleurs – commençait si bien : voyant que son mari refuse de soumettre son
travail à l’approbation d’un comité de lecture et désireuse de l’aider à
obtenir ce poste à la cour, Constance, de son propre chef, montre à Salieri un
florilège des oeuvres de son époux ; ce qui nous vaut l’une des plus
belles scènes du film, aussi crédible qu’intelligemment pédagogique :
Salieri, à la fois pétrifié d’admiration et dévoré de jalousie, lit avec
avidité les manuscrits si parfaits de Mozart, ces premiers jets sans la moindre
rature que Constance lui a apportés et qui, aux dires de la jeune femmes, sont
des originaux car son mari « ne fait pas de copie ». Jusqu’ici tout
va bien car la description que le Salieri (rêvé) de Milos Forman fait de la
musique de Mozart est d’une parfaite justesse : « <i>une musique comme jamais musique ne fut achevée :
déplacer une seule note, et on serait allé</i> <i>vers l’amoindrissement.</i> <i>Déplacer
une seule phrase, et on aurait vu la structure s’effondrer</i> ». On ne
saurait mieux dire.</span></div>
<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Pourquoi
a-t-il fallu que cet épisode magique soit à ce point dégradé ? Car Salieri
– lui qui affirme, au début du film, avoir fait vœu de chasteté – ordonne alors
à Constance de revenir seule, le soir-même, pour recevoir sa réponse. Ce que la
jeune femme, terrifiée mais prête à tout pour que son mari obtienne enfin un
poste fixe, accepte la mort dans l’âme. Nous avons donc droit à un strip- tease
partiel de Constance que Salieri, l’air mauvais, fait renvoyer par un valet au
moment où elle s’apprêtait à « enlever le bas » - lui infligeant
ainsi une humiliation supplémentaire.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Dans
cette scène grotesque, deux personnes se retrouvent en fait avilies : le
vrai Salieri bien sûr, qui n’eut jamais besoin de menaces ni de chantage pour
avoir toutes les femmes qu’il voulait, mais surtout la vraie Constance, que
trop de biographes ont fait passer pour une femme facile alors que nous avons
si peu de documents la concernant ; et tout cela à cause de deux lettres de son
mari – ou plutôt de l’interprétation erronée que beaucoup en ont faite.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Lettre
du 16 avril 1789, écrite pendant la première séparation du couple après sept
ans de mariage : « <i>J</i><i>e te demande de prendre garde à ta
conduite, non seulement à ton et à mon honneur, mais même aux apparences. Ne te
fâche pas de cette demande. Tu dois m’aimer d’autant plus, pour la façon dont
je tiens à l’honneur</i> ». Loin de révéler les infidélités supposées de
Constance, ce petit mot trahit pour moi la peur irrationnelle de n’être pas
aimé qui taraudait son mari. Car Mozart sera tout aussi soucieux de la vertu de
sa femme trois mois plus tard, lorsque Constance, alors enceinte de huit mois,
récupèrera à Baden de la grave maladie infectieuse qui faillit
l’emporter ; un état qui, vous en conviendrez, ne prédispose pas vraiment
à la bagatelle ! Ces lignes écrites à la mi-août 1789 sont
révélatrices de l’insécurité affective du compositeur : « <i>En ce qui concerne ton pied, il ne te faut
que prendre patience… Je suis donc enchanté lorsque tu es gaie !
Certes ! Mais je souhaiterais que tu ne sois pas aussi familière que tu
l’as été jusqu’ici. Souviens-toi seulement que tu m’as avoué un jour être trop
liante ! Ne me tourmente pas avec
une jalousie inutile !</i>».</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Nous
ne savons quasiment rien de Constance Mozart, qui a détruit ses propres lettres
en ne laissant à la postérité que deux ou trois post-scriptum sans intérêt.
Mais cela ne donne à personne le droit de caricaturer ainsi une femme que
Mozart déclara, tant de fois, « aimer de tout son cœur ». </span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-80660155244875887372012-03-05T22:22:00.000-08:002012-03-09T03:13:17.886-08:00« Je déteste la politique »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiR_vRyEdSGlo-CxcNE8iOqkN7WchwcfS7bEUrQ24XuwNNpp90nGqcLgJRjGNuIHDacB5UUBLmPL1umjZzNugnaf6szuIHSVJ9meoWAh_csgYK_70QJn57KMDMESMcD7QVL7nUXZajLAJc/s1600/amadeus-1984-04-g.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="214" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiR_vRyEdSGlo-CxcNE8iOqkN7WchwcfS7bEUrQ24XuwNNpp90nGqcLgJRjGNuIHDacB5UUBLmPL1umjZzNugnaf6szuIHSVJ9meoWAh_csgYK_70QJn57KMDMESMcD7QVL7nUXZajLAJc/s320/amadeus-1984-04-g.jpg" width="320" /></a></div>
<span style="font-size: small;">Venons-en
à présent à ces fameuses « Noces de Figaro » que Mozart a tenu à
mettre en musique en 1786. Dans le film de Forman, nous le voyons plaider la
cause de cet opéra qu’il vient juste d’achever, un opéra tiré de la pièce de
théâtre du même nom pour laquelle Beaumarchais avait été embastillé à Paris
deux ans plus tôt, et dont Joseph II avait censuré la traduction allemande. Par
sa passion, son pouvoir de persuasion et la description très tentante qu’il
fait de la fin de l’acte II (le fameux septuor de vingt minutes), Mozart
parvient à arracher le consentement de l’empereur d’Autriche - en insistant sur
le fait que le côté subversif de la pièce originale ne l’intéresse pas et a été
tout à fait gommé dans son opéra.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Dans
la réalité, Mozart était un lecteur de Beaumarchais (deux éditions françaises
du « Mariage de Figaro » ont été retrouvées dans sa bibliothèque
après sa mort) et fréquentait assidûment des « Frères » maçons de la
tendance « illuministe », c’est à dire « de gauche », qui
professaient un anticléricalisme virulent tout en souhaitant la fin de
l’absolutisme et l’abolition des privilèges de la noblesse et du clergé.
Certes, Constance a soigneusement éliminé les lettres de son mari qui auraient
eu un rapport avec la politique, une décision catastrophique pour les
mozartiens mais qu’elle prit pour assurer sa tranquillité et celle de ses
enfants - le sinistre Metternich (1773-1835) gouvernant l’Autriche lorsqu’elle
a publié, en 1828, la biographie de Nissen et la correspondance de la famille
Mozart. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mais
qui peut croire un instant que Wolfgang n’a pas partagé les opinions des van
Swieten, von Born et autres von Sonnenfels dont nous connaissons les écrits
radicaux, et qui formaient son cercle d’amis ? Méprisé à 21 ans par les
aristocrates parisiens, malmené par le Prince Archevêque et par le comte Arco,
Mozart avait grand soif de reconnaissance sociale. Lettre à Léopold du 20 juin
1781, à la suite du coup de pied au derrière fatal : « <i>Au sujet d’Arco, je ne dois prendre conseil
que de ma raison et de mon coeur…. Je ne suis pas un comte mais j’ai
peut-être plus d’honneur au cœur que bien des comtes ; valet ou comte, du
moment qu’il m’outrage, c’est une canaille »</i><b>. </b> Contrairement à ce que lui
fait dire le film, Mozart s’est donc forcément intéressé aux événements qui se
préparaient puis se déroulèrent en France, de 1789 à sa mort.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Et
ce n’est pas lui qui a réussi à convaincre Joseph II d’autoriser les
représentations des « Noces de Figaro » à Vienne, mais Lorenzo da
Ponte, son librettiste italien - la
pièce française n’étant interdite en Autriche que dans sa traduction allemande.
C’est du moins ce qu’affirme da Ponte dans ses « Mémoires » et je
pense que nous pouvons le croire, car le poète était très bien en cour et
plutôt bien vu de l’empereur.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Quoi
qu’il en soit, « Les Noces de Figaro », le plus bel opéra italien de
Mozart, marquèrent le commencement de la fin de l’état de grâce du compositeur
à Vienne, et les débuts de ses ennuis financiers : ridiculisés par cet opéra
(où une simple soubrette et un valet ont le dessus sur leur maître en mettant
les rieurs de leur côté), les aristocrates - viennois ou autres - dont Mozart,
pour son malheur, dépendait financièrement rechignèrent désormais à financer
ses « Académies » et ses concerts par souscription. </span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-55492067354662167102012-03-05T22:21:00.000-08:002012-03-10T10:26:49.791-08:00« Je n’aime pas dire du mal de mes confrères compositeurs, mais … »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Les
contrevérités que je voudrais à présent dénoncer proviennent en droite ligne de
la désolante « version longue » d’Amadeus.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">La
première est surtout fâcheuse pour Salieri, que nous voyons distiller des
calomnies au sujet de Wolfgang : à un Joseph II médusé, il raconte en
effet, avec beaucoup de précautions oratoires, que Wolfgang « malmène, plusieurs
fois au cours d’une même leçon », certaines des jeunes filles qui suivent
des cours de piano avec lui. Quel tempérament ! </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Des
insinuations en soi ridicules : s’il est probable que Mozart a été très
amoureux de Theresa von Trattner, l’une de ses premières élèves à qui il a dédié
la bouleversante « Sonate en <i>Ut </i>mineur »,
il s’agissait d’une femme mariée (à l’un de ses mécènes) qui avait presque le
même age que lui. Pas le moindre détournement de mineure à l’horizon,
donc ! </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mais
ces insinuations sont surtout indignes d’Antonio Salieri, que personne n’a le
droit de présenter sous un tel jour sans, qui plus est, le plus petit
commencement de preuve. Car cet épisode de « la calomnie » est
parfaitement anachronique : c’est en effet après la mort de Mozart, et
surtout au XIXème siècle, que des ragots circulèrent dans Vienne au sujet des
multiples aventures amoureuses qu’il aurait eues avec certaines de ses élèves et
certaines de ses chanteuses. Des rumeurs qui ne sont basées sur rien, que
Constance demandera à Leopold II de faire officiellement taire et surtout qui
ne furent jamais le fait d’Antonio Salieri, réconcilié avec Mozart quelques
mois avant la mort de ce dernier.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Avec
la scène de la leçon de piano donnée au milieu d’une meute de chiens de toutes
les couleurs, censés sans doute protéger la jeune élève des avances de son
professeur, nous touchons le fond du grotesque - qui éclabousse jusqu’à Tom
Hulce, l’acteur pourtant brillantissime qui incarne Mozart. Un élément, un
seul, est authentique dans cet
épisode : Mozart ne supportait effectivement pas le moindre bruit quand il
jouait du piano ou donnait une leçon. Mais il y avait sûrement une autre
manière de nous le faire savoir !</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Dernière
absurdité : Mozart, peu de temps avant sa mort, se rend, dans un état
d’ébriété avancée, chez un riche bourgeois (sans doute von Puchberg, un
« frère » de loge cousu d’or) pour lui soutirer de l’argent, d’abord
humblement puis avec de plus en plus d’insistance et enfin en hurlant de
désespoir. Les faits sont là aussi complètement distordus : en 1791,
Mozart croulait sous les commandes rémunérées et commençait même à rembourser
ses hypothèques. Les demandes d’argent qu’il a en effet effectuées auprès de von
Puchberg datent de l’été 1788 et de 1790, et furent toujours faites par écrit. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Ajoutons
que sept ans après la mort de Mozart, Constance remboursera, avec les intérêts,
l’intégralité des prêts accordés par celui qui fut, non pas un « cher frère »
mais le simple banquier de son mari.</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-68236065881046405922012-03-05T22:20:00.000-08:002012-03-10T10:27:37.035-08:00« Je viens vous commander une « Messe des Morts » pour quelqu’un qui en méritait bien une et qui ne l’a pas eue »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">La
fin d’« Amadeus » est la plus belle partie du film, et renferme même des
scènes miraculeuses où le vrai et le faux sont inextricablement mêlés -
certaines légendes n’ajoutant pourtant rien à la valeur de la musique de
Mozart, ni à la tristesse, bien réelle, que sa disparition prématurée allait
causer à tous.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Le
fameux messager masqué et tout de noir vêtu qui vient commander anonymement une
« Messe des Morts » à Wolfgang, et dont la vue terrifie le
compositeur, est une invention de Constance Mozart, reprise par de nombreuses
biographies. Mais depuis 1963, et grâce au travail du musicologue allemand Otto
Schneider - qui a retrouvé le contrat
signé devant notaire par Mozart et le vrai commanditaire du Requiem - nous
savons que Wolfgang le connaissait parfaitement : il s’agissait du riche
comte von Walsegg, un « Frère » de 28 ans qui venait de perdre, cinq
mois plus, tôt son épouse Anna von Flammberg (âgée de 20 ans). Ravagé de
chagrin, Walsegg voulut, en plus d’un mémorial de marbre érigé dans sa
propriété, commander pour 100 ducats une oeuvre à Mozart – dont il connaissait
la superbe musique maçonnique. Le contrat stipule en outre que le compositeur
ne devait conserver aucune copie de cette « Messe des Morts » et que
Walsegg en achetait l’exclusivité.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Si
Constance a travesti la vérité, c’est qu’elle n’a pas respecté le contrat en
question : veuve avec deux enfants à charge et 3 000 florins de dettes à
éponger, elle vendit quatre fois la partition du « Requiem » (dont
elle avait bien sûr conservé un exemplaire). Lequel « Requiem » fut
en outre chanté à Vienne en 1793, sous la direction du fidèle van Swieten –
dans un concert public qui lui rapporta 300 ducats.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Salieri
sous le masque du commanditaire est donc une pure fiction, pourtant
parfaitement cohérente avec l’histoire que Shaffer et Forman veulent nous
raconter : le musicien sans génie qui veut, par un subterfuge, faire passer
pour sienne la plus belle oeuvre de Mozart après avoir auparavant
éliminé son véritable auteur : « et
Dieu forcé d’écouter ! Impuissant à rien empêcher ! ». </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Murray
Abraham fait merveille à l’écran mais il n’est pas sûr que le vrai Salieri
aurait apprécié !</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-65783316155575458562012-03-05T22:19:00.000-08:002012-03-10T10:30:41.136-08:00« Flûte enchantée » versus « Requiem »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhlUELuz4h30MbXrxGHh6xygDJehGLmlxNa_vQ8stojBnuvbjD0YLaqX2sqZ4MaeMm3U_S8sxW4sfC0uUCUP98ATzVJ1y6yv4S5QWbBzAfdiUg62RBKjtZc7j6xG3YH03OKTJd6q3pOh3g/s1600/requiem+versus+fl%C3%BBte+enchantee.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" height="215" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhlUELuz4h30MbXrxGHh6xygDJehGLmlxNa_vQ8stojBnuvbjD0YLaqX2sqZ4MaeMm3U_S8sxW4sfC0uUCUP98ATzVJ1y6yv4S5QWbBzAfdiUg62RBKjtZc7j6xG3YH03OKTJd6q3pOh3g/s320/requiem+versus+fl%C3%BBte+enchantee.jpg" width="320" /></a></div>
<span style="font-size: small;">Le
film « Amadeus », dans sa version courte comme dans sa version
longue, nous montre Mozart écartelé entre deux commandes simultanées et
parfaitement incompatibles, celle du « Requiem » et celle d’un joyeux
singspiel en allemand, « La
Flûte enchantée ». Deux ouvrages qu’on le presse de
toute part de finir car les chanteurs désirent commencer sans tarder les
répétitions tandis que le mystérieux messager masqué revient à intervalles
réguliers vérifier si sa commande avance. Un conflit cornélien, pour ne pas
dire la quadrature du cercle !</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<span style="font-size: small;">Ce
qui sera le dernier opéra de Mozart lui a dans la réalité été commandé dès
février 1791, par son « Frère » Schikaneder, comédien, chanteur et
directeur de théâtre qui devait interpréter le rôle de Papageno l’oiseleur.
C’est donc pendant l’été 1791 que Wolfgang l’acheva et la première de « La Flûte » eut lieu à
Vienne le 30 septembre suivant, dans un théâtre archicomble, alors que nous
savons, par ses lettres à Constance, que le compositeur n’a pas ébauché le
« Requiem » avant le 8 octobre 1791, après avoir fini d’orchestrer un
« Concerto pour clarinette » pour son « Frère » Stadler. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
n’y eut donc jamais la moindre interférence entre les deux chefs-d’œuvre dont
parle le film.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
ne faut pas non plus apporter le moindre crédit à des scènes qui nous montrent
Mozart, en plein hiver ( ?), buvant, bambochant et passant la nuit avec
les interprètes - en tenues légères - de « La Flûte
enchantée » ; profitant bien sûr de la fuite soudaine de Constance,
effrayée de le voir - selon les dires même de la jeune femme dans le film -
« devenir fou ». </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
s’agit ici encore de ragots datant du XIXème siècle et ne reposant sur aucun
témoignage fiable : si Constance n’était effectivement pas à Vienne durant
l’été 1791, celui de l’écriture de la « Flûte », c’est qu’elle
attendait à Baden, en compagnie de sa sœur Sophie et avec Süssmayer comme
chaperon, la naissance de son sixième enfant - tout en prenant des bains soufrés
car elle était affligée, depuis quelques années, d’ulcères variqueux. Un petit garçon
qui naîtra le 26 juillet 1791 et va, enfin, survivre.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Lettre
à Constance de juin 1791 : « <i>Pourquoi
n’ai-je pas reçu de lettre hier soir ? Pour que je vive plus longtemps
dans l’angoisse à propos des bains ?</i> ». Puis Mozart se confie
davantage : « <i>il n’est</i><b> </b><i>pas
bon du tout pour moi d’être seul, quand j’ai quelque chose en tête</i><b> ». </b>Enfin, pour la première
et la dernière fois de sa vie, le compositeur met des mots sur son
mal-être : «<i>Tu ne peux pas croire
combien tous ces temps-ci, le temps m’a duré loin de toi ! Je ne puis
t’expliquer mon impression, c’est un certain vide qui me fait mal, un certain
désir qui n’est jamais satisfait et ne cesse donc jamais, qui persiste et même
croît de jour en jour. Seul le désir que tu entretiennes ta santé m’a incité à
te presser d’aller à Baden</i><b> </b><i>!» -</i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
y a plus attendrissant encore : toujours en juin 1791, dans une lettre
entièrement en français - qui prouve que Constance lisait cette langue -,
Mozart fait part à sa femme de ses inquiétudes permanentes :<b> « </b><i>je tremble quand je pense au bain du St Antoine, car je crains toujours
le risque de tomber sur l’escalier en sortant. Si vous n’étiez pas grosse, je
craindrais moins. Mais abandonnons cette idée triste ! Le ciel aura
certainement soin de ma chère Stanzi-Marini</i> ».</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">On
peut - bien sûr - dire que Mozart mentait à sa femme, faisant mine de s’ennuyer
d’elle et de s’inquiéter de son sort alors qu’il passait ses nuits avec
d’autres. On peut même filmer la scène en question, en décrétant que les mots de
Mozart ne veulent rien dire. Au nom des sacro-saintes liberté d’expression et
liberté artistique tout est toujours possible, surtout quand les personnes dont
on parle ne sont plus là. Mais si Wolfgang avait été d’une telle duplicité, si
le personnage si droit et si intègre que dessinent en creux les lettres qu’il a
envoyées tout au long de sa vie – à sa femme mais aussi à sa sœur, à son père
et à son ami Jacquin – n’avait été qu’un masque, alors il n’aurait pas été
Mozart, ce compositeur dont la musique ne triche justement jamais.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Revenons
au film. Mozart menant de front l’écriture de deux ouvrages
différents n’est tout de même pas une invention pure et simple de Shaffer
et Forman : vers la fin de la composition de « La Flûte enchantée »,
Wolfgang a effectivement reçu la commande d’un opéra <i>seria</i> en italien, devant être impérativement joué le 6 septembre à
Prague, pour le sacre du nouvel empereur Léopold II. Une commande très bien
payée et surtout une opportunité que le compositeur ne pouvait se permettre de
laisser filer. Sa « Clémence de Titus », très différente elle aussi
de « La Flûte
enchantée », fut donc écrite en un temps record tandis que Mozart achevait
l’orchestration de son <i>singspiel </i>allemand.
Constance, dans la biographie écrite par son second mari, dit d’ailleurs que
Wolfgang se mit à prendre, à partir de septembre 1791, « beaucoup de
médecine » pour pouvoir faire face à ses obligations. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
y eut aussi un « empiètement » entre le « Requiem » et une
oeuvre différente, mais choisie cette fois par le compositeur - à qui
l’interruption momentanée de l’écriture de sa « Messe des Morts »
apporta un grand soulagement : il s’agit d’une joyeuse cantate maçonnique
sur un livret de Schikaneder, « L’Éloge de l’Amitié », que Mozart
écrivit en une semaine et dirigea en personne dans sa nouvelle loge, le 17
novembre 1791. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Trois
jours avant de s’aliter pour ne plus se relever.</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-53991233452788395352012-03-05T22:18:00.000-08:002012-04-10T03:35:17.040-07:00« Mon bon, mon excellent père »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">L’autre
grande victime de Milos Forman, dans la version récente
d’ « Amadeus » comme dans celle de 1984, d’ailleurs, est sans
conteste Léopold Mozart : père abusif, rigide, étouffant Wolfgang de son
autorité. Mais aussi père « Commandeur », revenu de l’au-delà
demander des comptes à son fiston – si l’on en croit le Salieri de Forman
commentant la fin de « Don Giovanni ». L’écrasant portrait de Léopold
qui, dans le film, orne le salon de Wolfgang à Vienne a lui aussi été dénaturé
pour servir la thèse du film : Mozart père y apparaît sévère et
impitoyable alors que le vrai portrait de Léopold nous montre un très bel
homme aux yeux clairs, aux traits harmonieux et au visage sérieux - car
personne (et les femmes pas plus que les hommes) ne souriait sur les portraits
du XVIIIème siècle : on suppose aujourd’hui, devant la gravité générale,
que les dents des modèles avaient tout intérêt à être cachées !</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">J’ai
quant à moi, dans la correspondance de Léopold et de Wolfgang, découvert un
tout autre type de rapport père/fils. Lettre à Léopold du 8 novembre
1780 : « <i>je vous assure
qu’aucun de nous n’a pu dormir une minute de toute la nuit : cette voiture
secoue à vous faire rendre l’âme ! Et les sièges ! Durs comme
pierre ! À partir de Wasserburg, j’ai cru pour de bon que mon derrière
n’arriverait pas en entier à Munich ! Il était tout meurtri et sans doute
rouge comme feu. J’ai passé deux étapes à appuyer mes mains sur le coussin pour
garder le derrière en l’air ! »</i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">La
réponse de Léopold, le 11 novembre suivant, n’est pas mal non plus : « <i>J’ai fait une fois dans ma vie l’expérience
des diligences qui maltraitent affreusement notre pauvre cul. Et on ne m’y
reprendra pas non plus ! Je</i><b> </b><i>tiens trop à mes deux noyaux de
quetsches ».</i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il y aura plus fort encore : lettre du 22
décembre 1781, adressée à Léopold que Mozart cherche à convaincre de l’absolue
nécessité pour lui de se marier : « <i>La
nature parle chez moi aussi haut que chez tant de grands et forts lourdeaux. Il
m’est impossible de vivre comme tant de jeunes gens d’aujourd’hui –
d’abord j’ai trop de religion, ensuite j’aime trop mon prochain pour aller
séduire une innocente jeune fille et, en troisième lieu, j’ai trop d’horreur,
de dégoût, de répulsion et de crainte des maladies pour me commettre avec des
putains. C’est d’ailleurs pourquoi je peux jurer n’avoir encore jamais eu de
relation de cette sorte avec aucune de ces femmes. Si ç’avait été le cas, je ne
vous le cacherais pas, car faillir est naturel à l’homme, et faillir une seule
fois ne serait que faiblesse – encore que je n’oserais promettre d’en rester à
cette seule faiblesse si j’avais failli une fois sur ce point »</i><b>.</b></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mozart
aurait-il évoqué aussi franchement et avec autant de simplicité sa sexualité avec
son père si Léopold avait été le censeur impitoyable que trop de biographes (et
de cinéastes) ont voulu nous vendre ? </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Cette
image austère et crispée que Forman - et tant d’autres - ont voulu donner de
Léopold montre donc une méconnaissance profonde des lettres du père et du fils
mais surtout des structures familiales au XVIIIème siècle. A cette époque-là en
effet un père de famille décidait absolument de tout : de la religion, du
métier et même des « promis » de ses enfants. On n’était d’ailleurs
majeur qu’à la mort de ses parents. Le court dialogue entre Joseph II et
Mozart que montre le film de Forman : « excusez-moi, mais quel âge
avez vous ? » - « 26 ans, sire » – « eh bien, en ce cas, je vous
conseille vivement d’épouser cette charmante jeune viennoise et de rester
ici avec nous » est doublement absurde. D’une part parce que l’empereur
d’Autriche avait d’autres chats à fouetter qu’à gérer la vie sentimentale
de Mozart et d’autre part parce qu’à 26 ans, nul ne se mariait sans
autorisation paternelle. La question ne se posait même pas.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Or
que va faire Mozart ? : démissionner de son poste – ce que personne ne
faisait en ce temps-là - contre l’avis de son père, puis épouser Constance
toujours sans son autorisation – un accord qui arrivera le lendemain de la
cérémonie, huit mois après que Mozart l’eut sollicité. Et tout cela sans se
brouiller le moins du monde avec Léopold, réitérant même à son père tout son respect
et tout son amour. Car si le père et le fils entrèrent effectivement en
désaccord sur le choix de carrière que Wolfgang venait de faire - s’installer à Vienne sans poste fixe ni
protecteur assuré -, si Léopold ne fut pas enchanté (doux euphémisme) de voir
son fils épouser Constance, les deux hommes ne furent jamais fâchés.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Lettre
à Léopold du 19 mai 1781 : « <i>Je
ne peux me remettre de mon étonnement, et je ne le pourrai jamais si vous
continuez à penser et à écrire ainsi : je dois avouer qu’à aucune phrase
de votre lettre, je ne reconnais mon père ! – un père certes, mais pas le
meilleur, le plus affectueux, le plus soucieux de son honneur et de celui de
ses enfants ! En un mot, pas mon père !</i> ».</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Après
une telle réponse, Léopold ne pouvait que s’incliner et faire bloc avec son
fils. Lettre du 10 août 1781 à l’éditeur Breitkopf de Leipzig : « <i>En ce qui concerne mon fils, il n’est plus
au service de notre Cour </i><i>(celle
de Salzbourg</i><i>). Lorsque nous étions à Munich, le prince l’a appelé à Vienne, où il
se trouvait. Toutefois, comme sa Grâce Princière y a extraordinairement mal
traité mon fils et que, par ailleurs, la plus haute noblesse lui témoignait les
plus grands honneurs, ils l’ont facilement persuadé de quitter son poste au
misérable salaire, et de rester à Vienne</i> ».</span></div>
<div style="background: none repeat scroll 0% 0% white; color: black; font-family: Verdana,sans-serif; line-height: 130%; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="line-height: 130%;">En quittant Salzbourg, Mozart ne
fuyait donc pas Léopold mais Colloredo. La preuve ? Elle se trouve dans
une lettre à sa sœur du 18 août 1784, dans laquelle Wolfgang félicite Nannerl
de son proche mariage :<i> « Ma
femme et moi te souhaitons tout le bonheur et le contentement possible à
l’occasion de ton changement d’état ; nous sommes surtout désolés pour notre
cher père, qui va devoir vivre seul désormais. Mais si j’étais à la place de
mon père, je demanderais à l’Archevêque (après tant d’années de service !)
de me mettre à la retraite (</i></span><i>Léopold
avait 65 ans au mariage de Nannerl</i><i><span style="line-height: 130%;">) et une fois ma pension accordée, je
partirais chez ma fille et je vivrais tranquillement là-bas ; si
l’Archevêque refuse, je demanderais mon congé et j’irais chez mon fils à
Vienne, c’est ce que je lui ai écrit aujourd’hui même, et je te demande avant
tout de t’efforcer de le persuader de faire cela ».</span></i></span></div>
<div style="background: none repeat scroll 0% 0% white; color: black; font-family: Verdana,sans-serif; line-height: 130%; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="line-height: 130%;">Forman se moque également de nous
quand il présente la venue de Léopold à Vienne comme une arrivée surprise, avec
pour raison inavouée de surveiller un fils que le patriarche accuse d’emblée
d’avoir des dettes ; ce qui n’était pas le cas en 1785, Wolfgang et
Constance employant même un valet et une cuisinière qu’ils garderont, dèche ou
pas, tout au long de leur vie commune. </span></span></div>
<div style="background: none repeat scroll 0% 0% white; color: black; font-family: Verdana,sans-serif; line-height: 130%; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="line-height: 130%;">Pour venir passer quatre mois à
Vienne, Léopold Mozart avait en fait sollicité de Colloredo un congé sans solde
- ce qui, connaissant l’Archevêque, n’avait pas dû se faire sans mal. Il était
en outre accompagné de Marchand, l’un des ses élèves violoniste. Pendant son
séjour, Léopold, parrainé par son fils, entrera même en franc-maçonnerie dans
la même loge que Wolfgang. Une chose qui, elle non plus, ne s’improvisait pas,
dont « Amadeus » se garde bien de faire mention et qui montre que les
deux hommes avaient préparé de longue date ce séjour viennois, tout en
partageant les même idéaux humanistes et, peut-être, (car aucun document ne
l’atteste) les mêmes idées politiques. </span></span></div>
<div style="background: none repeat scroll 0% 0% white; color: black; font-family: Verdana,sans-serif; line-height: 130%; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="line-height: 130%;">Léopold profita d’ailleurs pleinement
de chaque minute passée dans la capitale autrichienne. Lettre à Nannerl du 16
février 1785<i> : « Le dimanche
soir, ton frère joua un magnifique concerto. Je n’étais éloigné que de deux
loges de la belle princesse du Wurtemberg, et j’eus la joie d’entendre si
parfaitement tous les instruments que les larmes me vinrent aux yeux de
plaisir. Lorsque ton frère eut fini, l’empereur, le chapeau à la main, lui fit
signe et cria « bravo, Mozart ! </i>». </span></span></div>
<div style="background: none repeat scroll 0% 0% white; color: black; font-family: Verdana,sans-serif; line-height: 130%; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="line-height: 130%;">Le départ de Vienne de Mozart-père ne
fut donc pas motivé par une querelle avec Constance – comment une épouse, au
XVIIIème siècle, aurait-elle élevé la voix contre son beau-père ? - mais
par la fin de son congé.<i> </i>Et le<i> </i>retour à Salzbourg fut très dur pour Léopold,
d’autant plus que sa fille, enfin mariée, ne vivait plus avec lui.<i> </i>Lettre à Nannerl du<b><i> </i></b>27 mai 1785 : « <i>Je ne peux nier que le temps me semble très
long. Car j’ai été, pendant quatre mois,
sans cesse entouré de monde…et où aller à présent ?</i><b> </b><i>Je
ne sais si je suis trop intelligent pour la plupart des gens, ou bien si ce
sont eux qui sont trop sots pour moi ! ».</i> La prison
salzbourgeoise s’est donc refermée pour toujours sur Léopold et Wolfgang, qui
ne pouvait pas se permettre de quitter Vienne où vivaient ses élèves (sa source
quasi unique de revenus) ne devait jamais revoir son père – mort en mai 1787.</span></span></div>
<div style="background: none repeat scroll 0% 0% white; color: black; font-family: Verdana,sans-serif; line-height: 130%; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="line-height: 130%;">Le sommet du tripatouillage
historique à charge – toujours contre ce pauvre Léopold - est tout de même
atteint, dans « Amadeus », par la célèbre scène du Carnaval de
Vienne, pourtant si belle à regarder et à écouter, où Mozart, Constance et
Léopold se rendent à un bal masqué (une « Redoute », comme on disait
alors). Constance, qui a perdu au jeu des chaises musicales, se voit très vite
donner un gage : « montrez vos jambes ! » - ce qui était
assez coquin au XVIIIème siècle quand dévoiler généreusement sa poitrine ne
l’était pas. Constance s’exécute, Wolfgang rit de bon cœur tandis que Léopold
est ulcéré et veut quitter la pièce.</span></span></div>
<div style="background: none repeat scroll 0% 0% white; color: black; font-family: Verdana,sans-serif; line-height: 130%; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="line-height: 130%;">La vérité est bien différente :
Constance a effectivement participé à une Redoute mais à l’époque de ses
fiançailles et en compagnie de quelques amies ; et surtout sans Wolfgang
ni Léopold ! Elle a bien eu un gage, qui a consisté à se laisser mesurer
les mollets avec un ruban par un « chapeau » (c’est à dire par un
bourgeois installé). L’épisode nous est connu grâce à une lettre de Mozart qui,
furieux, n’admet pas que sa fiancée se soit ainsi comportée. C’est lui, et non
son père, qui prend très mal une plaisanterie pourtant courante pendant le
Carnaval – toujours synonyme de défoulement.</span></span></div>
<div style="background: none repeat scroll 0% 0% white; color: black; font-family: Verdana,sans-serif; line-height: 130%; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"><span style="line-height: 130%;">Extraits de la lettre à Constance du
19 avril 1782 : « <i>je vous prie
encore une fois de bien réfléchir à la cause de cette malheureuse affaire et de
bien peser pourquoi j’ai critiqué votre fâcheuse inconscience qui vous faisait
raconter à vos sœurs – et en ma présence !– que vous vous étiez fait
mesurer les mollets par un chapeau…Une femme qui tient à son honneur ne fait
pas cela. La maxime qui tient à ce
qu’on fasse comme les autres quand on est en compagnie est fort bonne, mais il
faut considérer tous les aspects de la question… Si la baronne se l’est également
fait faire, c’est tout autre chose car elle est déjà une femme sur le retour
(qui ne saurait plus aguicher)… Si vous n’avez pas pu résister à l’envie de
faire comme les autres, vous auriez dû prendre le ruban, au nom de Dieu, et
vous mesurer vous-même les mollets !</i> »</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mozart
n’avait donc rien du fiancé « partageux » et le malheureux Léopold fut
absolument innocent de cette « Affaire des mollets » qui faillit
brouiller pour de bon son fils et Constance ! Quant à la fameuse « liberté
des moeurs » censée régner à Vienne au XVIIIème siècle et dont se
gargarisent tant de livres, ce n’est qu’une fable de plus.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Puisque
nous en sommes à cette scène du Carnaval, dénonçons deux autres graves distorsions
de la vérité, préjudiciables cette fois à l’image de Mozart : lorsque
quelqu’un lui demande – car il doit lui aussi exécuter un gage – de jouer à la
manière de Gluck, il refuse avec mépris en qualifiant ce compositeur de
« mortel ». Or Mozart appréciait la musique de Gluck, au point d’en
inclure des extraits dans ses « Noces de Figaro ». « Jouez
Haendel ?» - « J’ai horreur de sa manière ! » est une autre
énormité. Mozart admirait en effet sincèrement la musique de ce compositeur
découvert à Londres lors de sa grande tournée européenne, alors qu’il n’avait
que huit ans, au point, le 6 mars 1789, de diriger à Vienne son propre
arrangement du « Messie » - réalisé pour une soirée privée, à la
demande de son ami van Swieten. Pauvre Mozart : Shaffer et Forman le
voulaient arrogant et méprisant ? Arrogant et méprisant ils l’ont
montré ! Sans vergogne, et au prix de mensonges qui, personnellement, me
dérangent beaucoup car ils donnent une image fausse de ce compositeur que j’ai
fini par considérer comme un ami.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Pour
en finir avec les rapports entre Mozart et Léopold, je voudrais rappeler que le
« meurtre du père » est une notion freudienne, qui date de la fin du
XIXème siècle : à l’époque de Mozart, la psychanalyse n’ayant pas encore
exercé ses ravages, on n’avait pas besoin de « tuer » symboliquement
son père pour s’affirmer. C’est même le contraire qui s’est produit pour
Mozart : la mort de Léopold, le 28 mai 1787, ouvrit devant lui un gouffre
béant. Car c’est un an après la perte de son unique mentor, de l’être qui
le connaissait le mieux, de son véritable alter ego que Wolfgang commença à
emprunter de grosses sommes d’argent à un riche frère de loge, ralentit
considérablement le rythme de ses compositions pour finir, pendant une année
entière (l’année 1790), par ne plus rien écrire du tout - mis à part la
musique « alimentaire » destinée aux bals de la cour, à laquelle il
n’accordait guère d’importance. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Une
période de deuil intense, qui durera jusqu’au début de 1791. </span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-1160163498794837682012-03-05T22:17:00.000-08:002012-03-10T10:37:53.671-08:00« Il sursauta, regarda vers l’orchestre et me vit »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhuijqK7S58VMUmDKoWQHid-LpRg5vF-bMzN_UXwYu7dg8kJTUNUDlQTXBoEppleyCfOZ1Aa2_fxU0kac7Fy5HnikAs5tI7T2WOfg-Q6jk5gTSKTBq3-jopHOpZmLRyCG3LjDV3Re303PI/s1600/papageno.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhuijqK7S58VMUmDKoWQHid-LpRg5vF-bMzN_UXwYu7dg8kJTUNUDlQTXBoEppleyCfOZ1Aa2_fxU0kac7Fy5HnikAs5tI7T2WOfg-Q6jk5gTSKTBq3-jopHOpZmLRyCG3LjDV3Re303PI/s1600/papageno.jpg" /></a></div>
<span style="font-size: small;">Il
y a, dans « Amadeus », une séquence qui a beaucoup impressionné le
public : on y voit Mozart qui, pendant une représentation de
« La Flûte enchantée », tient le <i>glockenspiel</i> (un petit clavier imitant les sons du métallophone
dont le chanteur fait mine de jouer),<i> </i>pendant
l’air de Papageno. Le compositeur a un brusque malaise, porte les mains à ses
reins et s’évanouit pendant la représentation. Salieri, qui se trouvait là, le
ramène alors chez lui. Et le pauvre Schikaneder, qui n’est plus doublé par le clavier,
frappe plusieurs fois à vide sur un instrument désormais muet et cherche à
comprendre ce qui se passe en lorgnant vers la fosse d’orchestre.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Je
suis une fois de plus impressionnée de voir à quel point Shaffer et Forman
étaient bien informés des faits réels, et surtout à quel point ils n’ont pas
hésité à les défigurer pour servir leur propos. Car si Schikaneder s’est
effectivement trouvé en difficulté pendant une représentation de « La Flûte », voici ce qui
s’est réellement passé. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;"> Lettre de Mozart à Constance des 8 et 9
octobre 1791<i> </i>:<i> « Je ne suis allé à l’orchestre qu’au
moment de l’air de Papageno avec le glockenspiel, car j’avais envie de le jouer
moi-même aujourd’hui. Par plaisanterie, j’ai fait un arpège à un moment où
Schikaneder marquait une pause. Il sursauta, regarda vers l’orchestre et me
vit. Lorsque cela revint une deuxième fois, je ne fis pas d’arpège – il
s’arrêta alors et ne voulut pas continuer. Je devinai ses pensées et fis à
nouveau un accord : alors il frappa sur son glockenspiel et lui cria
« ferme-là » ; Tout le monde se mit à rire et je crois que
nombreux sont ceux qui ont découvert, par cette plaisanterie, que ce n’était
pas lui qui jouait de cet instrument ».</i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Loin
d’être souffrant donc, début octobre 1791, Mozart était tous les soirs au
théâtre et s’y amusait visiblement beaucoup. Quant à la présence de Salieri
dans la salle, elle n’est pas du tout imaginaire, ce sont juste les raisons de
cette présence qui sont en totale contradiction avec celles que nous montre le
film.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Lettre à Constance du 14 octobre 1791 - la dernière que nous ayons
de Mozart : « <i>À six heures, je
suis passé en voiture prendre Salieri et la Cavalieri et je les ai
accompagnés à la loge. Tu ne peux pas imaginer combien les deux ont été
aimables ; comme non seulement la musique, mais également le livret et
tout ensemble, leur ont plu. Ils disent tous deux que c’est un opéra digne
d’être interprété dans les plus grandes festivités, devant le plus grand des
monarques ».</i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mozart et Salieri, encore rivaux en 1790 - l’Italien obtint
que Mozart ne soit pas invité au sacre du nouvel empereur Léopold II à
Francfort -, étaient apparemment réconciliés un an plus tard, pour une raison
que personne, à ce jour, n’a jamais comprise. Mais ce n’est pourtant pas lui
qui a dit à Mozart : « Je vous jure, devant Dieu, vous êtes le plus grand
compositeur qui ait jamais vécu » ; c’est Joseph Haydn (1732-1809)
qui parla en ces termes élogieux de Wolfgang à Léopold Mozart, de passage à
Vienne.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Salieri, chez Forman toujours, propose alors à un Mozart
visiblement au bout du rouleau (sans que le film n’explique pourquoi) de
l’aider à achever son « Requiem ». Nous verrons bientôt qu’il n’en
fut rien mais un détail de leur conversation mérite d’être relevé et surtout
corrigé. Mozart remercie Salieri de s’être dérangé pour assister à son dernier
opéra, dont il minimise la valeur en disant que « ce n’est qu’un
vaudeville » ! Or « La
Flûte enchantée » avait aux yeux de Mozart une
importance capitale ; il avait largement participé à l’écriture de son
livret et se rendit au théâtre aussi longtemps que sa santé le lui permit,
c’est à dire jusqu’à la fin du mois de novembre 1791. Mozart était très heureux
du triomphe obtenu, soir après soir, par ce <i>singspiel</i> qui
était un peu le résumé de son histoire - car il est à la fois Tamino, Papageno
et même Pamina (dans son grand air de désespoir) ; cet ultime opéra était
également la vitrine d’idéaux et de rituels maçonniques plus que jamais les
siens.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Lettre
à Constance des 8 et 9 octobre 1791 :<b>
</b>«<b> </b><i>C’est avec la plus grande joie que j’ai trouvé ta lettre à mon retour
de l’opéra. Bien que le samedi soit un mauvais jour car c’est un jour de
courrier, l’opéra a été donné dans un théâtre comble, et avec un succès et les
bis habituels. Mais ce qui me fait le plus plaisir, c’est le succès silencieux.
On sent bien que la cote de cet opéra ne cesse de monter ».</i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mozart voyait juste : « La Flûte enchantée » fut
jouée 24 soirs d’affilée, et à guichets fermés, rien que pendant le mois
d’octobre 1791.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<span style="font-size: small;">Deux
jours avant sa mort, le compositeur exprima même le regret de ne pas pouvoir
entendre, une dernière fois, le premier air de « son Papageno ». Un
ami chanteur s’exécuta alors en s’accompagnant au piano et, aux dires de Sophie,
« Wolfgang en eut l’air très heureux ».</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-38139057522919633822012-03-05T22:16:00.000-08:002012-03-06T01:44:58.712-08:00« Je ne comprends pas, vous allez trop vite ! »<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://ts3.mm.bing.net/images/thumbnail.aspx?q=1592754388182&id=70a9bbb200a592805edeebc1bdb43992" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://ts3.mm.bing.net/images/thumbnail.aspx?q=1592754388182&id=70a9bbb200a592805edeebc1bdb43992" /></a></div>
<span style="font-size: small;">Le
sommet d’ « Amadeus » est sans conteste la scène où Mozart dicte
son « Requiem » à Antonio Salieri. Les détails ont beau être tous entièrement
faux – le bouleversant « Confutatis » que dicte Mozart, par exemple,
est encore de la plume du compositeur -, la scène en elle-même n’en est pas
moins extraordinaire et l’acteur excellent. Car Forman nous montre enfin
comment fonctionnait Mozart : la musique était achevée dans sa tête et il
ne lui restait plus qu’à la coucher sur des portées ou, comme ici, à la dicter
– comme le prouve une lettre à Léopold du 1er janvier 1781, pendant la
composition d’ « Idoménée » à Munich : « <i>tout est déjà composé, mais pas encore écrit </i><b>»</b>. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Cela
dit, ce n’est pas du tout Salieri qui a tenu la plume. Mozart s’est arrêté
d’écrire – le manuscrit original en fait foi – à la huitième mesure du
« Lacrymosa » , après les mots « homo reus ». Plusieurs
personnes ont fait alors des essais infructueux sur la partition, avant que le
choix de Constance et du compositeur – qui était toujours en vie !– ne se porte
sur Franz Xaver Süssmayr, un élève de 23 ans qui étudiait la composition avec
Mozart depuis un an. Si c’est lui qui devint le scripteur de la fin du
« Requiem », c’est uniquement grâce à la similitude entre son
écriture et celle de son maître. Il était en effet impératif que von Walsegg,
qui devait encore la moitié des 100 ducats promis, reçoive une partition qui
semble être entièrement de la main de Mozart.
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Car
Wolfgang avait une piètre opinion de son élève. Lettre à Constance du 25 juin
1791, alors qu’elle attendait – en prenant les eaux à Baden – leur sixième
enfant, en compagnie du Süssmayr en question (qui lui servait de chaperon) et
de sa sœur Sophie : « <i>Je te
conseille de ne pas aller à la messe demain, ces paysans (</i><i>les habitants de Baden</i><i>) semblent
trop grossiers. Bien sûr, tu as un compagnon grossier (Süssmayr)</i><i> mais les
paysans n’ont pas de respect pour lui, perdunt respectuum, parce qu’ils voient
tout de suite que c’est un minable. Je répondrai de vive voix à Süssmayr –
c’est trop dommage d’user du papier pour cela </i>». Constance n’a jamais voulu donner les causes de la
fâcherie.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Tout
le monde a cru, pendant des années, que Mozart avait cessé d’écrire le
« Requiem » parce qu’il était mort, et donc que Süssmayr avait
terminé seul cette oeuvre fabuleuse. Plus personne ne le pense aujourd’hui car la
production personnelle de Süssmayr, que l’on a retrouvée, est tout à fait
insignifiante. Il ne peut donc pas être l’auteur de la fin du
« Requiem ». S’il a réclamé, en 1800 et auprès de l’éditeur Breitkopf,
la paternité de la fin du « Lacrymosa », du « Sanctus », des
deux « Hosannah » du « Benedictus » et de l’ « Agnus
Dei »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">-
alors qu’il ne s’était pas manifesté depuis 1791- ce fut pour profiter des
droits d’auteur qui venaient d’être institués. Süssmayr a tout simplement
menti.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mozart
était tout à fait lucide en dictant la fin de son « Requiem » - une
fin aussi belle que le début - comme le prouve cette lettre de Constance,
datée du 31 mai 1827 et envoyée à son ami l’abbé Maximilien Stadler, à qui elle
rappelle que pendant que son mari dictait le « Requiem » à Süssmayr,
il s’était un jour exclamé, devant la lenteur de son collaborateur :
« <i>tu es comme une poule à trois
poussins, tu vas mettre longtemps à comprendre ! ». </i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Ce
n’est certes pas un moribond qui s’exprimait de la sorte ! </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">La
raison pour laquelle Mozart s’est arrêté d’écrire est en fait tellement simple
que personne n’y avait songé – pas même l’auteur de ces lignes : c’est
l’auditeur d’une de mes conférences qui a trouvé le fin mot de l’histoire. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Tous
les témoignages nous disent en effet que Mozart s’est alité le 20 novembre 1791
avec une forte fièvre, des vomissements et surtout les mains et les pieds
enflés. Sophie lui a même tricoté un vêtement très lâche qui s’enfilait par
devant, car Mozart ne parvenait plus à mettre ses chemises ni à se retourner. Des
symptômes d’ailleurs parfaitement cohérents avec les violentes douleurs lombaires
dont le compositeur s’était plaint à sa femme, le blocage de la fonction rénale
provoquant en effet immanquablement un oedème des membres. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Or,
croyez vous que l’on puisse écrire à la plume d’oie avec des mains
enflées ? Et, qui plus est, écrire de la musique - qui demande une
précision au millimètre ? La réponse est non, bien sûr, et l’élève de
Mozart n’a servi que de banal copiste à un maître en pleine possession de ses
facultés créatrices - mais handicapé au niveau des mains. Voilà pourquoi le
« Requiem » est entièrement de Mozart et sa fin du même niveau que
son début, à l’exception notable du « Sanctus » et des deux
« Hosannah » que Wolfgang a clairement sous-traités à son élève, car
ils sont à la fois pompiers, extrêmement mal écrits et désagréables à chanter –
tout en étant, grâce au ciel, très courts.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Mozart
a donc achevé l’essentiel de son « Requiem » et n’en a d’ailleurs
plus reparlé pendant la dernière semaine de sa vie, n’évoquant à plusieurs
reprises que cette « Flûte enchantée » à laquelle il regrettait
tellement de ne plus pouvoir assister.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
n’est pas davantage mort abandonné : Constance - qui n’a jamais déserté le
domicile conjugal – et Sophie se trouvaient auprès de lui, avec le docteur
Closset, et ses amis passèrent le voir en nombre au cours de ses derniers jours.
Mozart nous quitta dans la nuit du 4 au 5 décembre 1791, après un coma de quelques
heures.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Milos
Forman n’ayant pas (et c’est heureux) donné de causes précises à la mort de
Mozart, je n’en parlerai pas davantage ici et vous renvoie, pour en savoir
plus, à « Wolfgang Amadeo Mozart : rêver avec les sons » - un
essai où j’expose, arguments scientifiques et documents historiques à l’appui,
ma théorie sur les causes exactes de la mort de Mozart.</span></div>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com8tag:blogger.com,1999:blog-677748211339307696.post-74704134642452413702012-03-05T10:39:00.002-08:002012-03-10T10:40:08.775-08:00La fable de la fosse commune<div style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Il
est plus que temps d’oublier la dernière image, sordide, de
l’ « Amadeus » de Milos Forman : ce corps dans un sac en toile,
cette pelletée de chaux vive, cette fosse commune des indigents, cette ultime
solitude de Mozart que personne n’a accompagné jusqu’à sa dernière
demeure : ce n’est, fort heureusement, que du cinéma !</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">En
1784 en effet, Joseph II promulgua une loi à visées prophylactiques qui réglementa
très strictement les enterrements à Vienne : l’époque étant obsédée par le
risque d’épidémies – alors un véritable fléau -, les cimetières furent désormais construits le
plus loin possible du centre ville, en dehors des remparts. Et la population,
quel que soit son statut social, n’eut plus le droit de s’y rendre. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Dans
un enterrement dit de « troisième classe » comme celui auquel eut
droit Mozart – à l’image de la majorité des Viennois -, les corps étaient exposés
tout l’après-midi dans des cercueils ouverts et dans des chapelles ardentes,
puis enterrés nuitamment dans des tombeaux communautaires de 6 places, sans que
les familles aient le droit de les suivre. Les tombes, y compris les tombes
individuelles des aristocrates et des riches bourgeois, n’étaient jamais
marquées du nom de leurs occupants, toujours pour éviter que les gens aient la
tentation de rendre visite à leurs morts
et ramènent ensuite des « miasmes » dans la ville. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Quant
au fameux sac de lin, hautement cinématographique, il fut effectivement en
usage dès 1784 : les médecins viennois avaient en effet estimé que cette
fibre aux vertus antiseptiques permettrait une décomposition plus hygiénique
des cadavres - comme dans le cas des linceuls de l’antiquité. Mais les Viennois se révoltèrent assez vite,
ne supportant plus de voir leurs défunts emmaillotés comme de vulgaires pièces
de viande : devant la fronde de ses sujets, Joseph II fit machine arrière et
autorisa à nouveau les cercueils individuels, comme celui dans lequel Mozart
fut enterré le 5 décembre 1791, le jour même de sa mort - comme le voulait
l’usage du temps, et après une courte cérémonie à laquelle Constance,
contrainte de rester chez elle par la coutume, ne put assister.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Nous
savons pourtant que le 10 décembre suivant, cinq jours plus tard donc, une
grande messe funèbre fut célébrée à Vienne en mémoire de Mozart. Si les
archives de l’église Saint-Michel en ont conservé la facture - qui correspond à
une cérémonie plutôt luxueuse - nous n’en avons aucun compte rendu direct. Mais
voici celui d’une célébration sans doute équivalente et qui, elle, a bien été
chroniquée. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Édition
du 24 décembre 1791 de la « Wiener Zeitung », la plus lue des
gazettes viennoises : « <i>Les
amis de la Musique
de Prague ont organisé dans cette ville, le 14 courant, une cérémonie funèbre
pour le maître de chapelle et compositeur de la Cour impériale et royale Wolfgang Gottlieb
Mozart, décédé ici (</i><i>à Vienne</i><i>) le 5
décembre dernier…… Tous les musiciens célèbres de Prague y ont participé. Ce
jour-là, toutes les cloches de l’église Saint-Nicolas (la plus grande
église baroque de la ville</i><i>) ont sonné pendant une demi-heure. Presque toute la
ville s’y est rendue, de sorte que la place d’Italie était trop petite pour
toutes les calèches et que l’église, qui peut contenir près de 4 000
personnes, ne put accueillir tous les admirateurs de l’artiste défunt….. Il
régnait un silence solennel et mille larmes coulèrent en souvenir douloureux de
cet artiste qui, par ses harmonies, avait su faire naître dans tous les cœurs
les sentiments les plus vifs</i><b> </b>». </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Si
Mozart est bien mort endetté, il était donc loin d’être oublié du public le
jour où il a quitté ce monde. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<span style="font-size: small;">Je
renonce à comprendre le besoin malsain qu’ont eu Shaffer et Forman de noircir à
ce point une disparition pourtant assez dramatique comme ça : le décès de
cet homme si jeune, inconsolable de laisser sans ressources deux garçons de 5
mois et 7 ans - ainsi qu’une veuve de 29 ans -, arraché à la vie alors que
son immense talent venait enfin d’être reconnu et que des commandes affluaient
des quatre coins de l’Europe n’était pas assez triste ni assez
spectaculaire pour eux ?</span></div>
<div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: Verdana,sans-serif; text-align: justify;">
<br /></div>
<span style="color: black; font-size: small;"><span style="font-family: Verdana, sans-serif;">Mais que pèsent, après tout, les délires des uns et des autres ?
Mozart n’est pas mort !</span></span>Michèle Lhopiteau-Dorfeuillehttp://www.blogger.com/profile/10608415778862545578noreply@blogger.com8