Les
contrevérités que je voudrais à présent dénoncer proviennent en droite ligne de
la désolante « version longue » d’Amadeus.
La
première est surtout fâcheuse pour Salieri, que nous voyons distiller des
calomnies au sujet de Wolfgang : à un Joseph II médusé, il raconte en
effet, avec beaucoup de précautions oratoires, que Wolfgang « malmène, plusieurs
fois au cours d’une même leçon », certaines des jeunes filles qui suivent
des cours de piano avec lui. Quel tempérament !
Des
insinuations en soi ridicules : s’il est probable que Mozart a été très
amoureux de Theresa von Trattner, l’une de ses premières élèves à qui il a dédié
la bouleversante « Sonate en Ut mineur »,
il s’agissait d’une femme mariée (à l’un de ses mécènes) qui avait presque le
même age que lui. Pas le moindre détournement de mineure à l’horizon,
donc !
Mais
ces insinuations sont surtout indignes d’Antonio Salieri, que personne n’a le
droit de présenter sous un tel jour sans, qui plus est, le plus petit
commencement de preuve. Car cet épisode de « la calomnie » est
parfaitement anachronique : c’est en effet après la mort de Mozart, et
surtout au XIXème siècle, que des ragots circulèrent dans Vienne au sujet des
multiples aventures amoureuses qu’il aurait eues avec certaines de ses élèves et
certaines de ses chanteuses. Des rumeurs qui ne sont basées sur rien, que
Constance demandera à Leopold II de faire officiellement taire et surtout qui
ne furent jamais le fait d’Antonio Salieri, réconcilié avec Mozart quelques
mois avant la mort de ce dernier.
Avec
la scène de la leçon de piano donnée au milieu d’une meute de chiens de toutes
les couleurs, censés sans doute protéger la jeune élève des avances de son
professeur, nous touchons le fond du grotesque - qui éclabousse jusqu’à Tom
Hulce, l’acteur pourtant brillantissime qui incarne Mozart. Un élément, un
seul, est authentique dans cet
épisode : Mozart ne supportait effectivement pas le moindre bruit quand il
jouait du piano ou donnait une leçon. Mais il y avait sûrement une autre
manière de nous le faire savoir !
Dernière
absurdité : Mozart, peu de temps avant sa mort, se rend, dans un état
d’ébriété avancée, chez un riche bourgeois (sans doute von Puchberg, un
« frère » de loge cousu d’or) pour lui soutirer de l’argent, d’abord
humblement puis avec de plus en plus d’insistance et enfin en hurlant de
désespoir. Les faits sont là aussi complètement distordus : en 1791,
Mozart croulait sous les commandes rémunérées et commençait même à rembourser
ses hypothèques. Les demandes d’argent qu’il a en effet effectuées auprès de von
Puchberg datent de l’été 1788 et de 1790, et furent toujours faites par écrit.
Ajoutons
que sept ans après la mort de Mozart, Constance remboursera, avec les intérêts,
l’intégralité des prêts accordés par celui qui fut, non pas un « cher frère »
mais le simple banquier de son mari.
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