lundi 5 mars 2012

« Jeune homme, j’ai pour vous beaucoup d’admiration »

Venons-en à la première rencontre de Mozart avec l’empereur Joseph II et ses conseillers. Alors que tous les hommes présents portent des perruques avec catogan et rouleaux sur les oreilles, nous remarquons un personnage affublé d’une longue perruque noire bouclée à l’ancienne, que l’Empereur présente comme le baron Gottfried van Swieten ; une auguste figure qui, d’emblée, exprime à Mozart sa plus profonde admiration.
Si Forman a coiffé comme Louis XIV cet homme de grande culture, polyglotte, qui fut conseiller d’ambassade à Paris puis ambassadeur d’Autriche à Berlin, c’est parce ce dernier connaissait et vénérait la musique baroque, celle du XVIIème et du début du XVIIIème siècle - en un temps où elle était oubliée (et surtout négligée) de tous. C’est même dans les salons de la Bibliothèque impériale, dont van Swieten était l’administrateur en chef, que Mozart déchiffrera bientôt du Haendel (déjà entrevu en Angleterre), du Jean-Sébastien Bach mais aussi de la musique des fils du cantor de Leipzig. Il est certain, comme l’attestent les portraits que nous avons de lui, que Gottfried van Swieten portait comme ses contemporains une perruque blanche et courte, mais cette erreur de costume – qui n’en est évidemment pas une – montre à quel point Milos Forman était bien renseigné sur les hommes et les événements qu’il mettait en scène.
Mais pourquoi, en ce cas, ne pas avoir partagé ses connaissances avec les spectateurs du film ? Pourquoi ne pas leur avoir montré Mozart jouant et chantant des cantates de Bach et des oratorios de Haendel chez van Swieten, comme il le fera chaque semaine avec son groupe d’amis ? Trop compliqué à filmer ? Ce fut en effet plus simple de faire un clin d’oeil aux (rares) spécialistes de Mozart en jouant sur la coiffure du mordu de musique ancienne qu’était Gottfried  van Swieten. Mais la démarche, très élitiste, n’est pas forcément sympathique.

L’anecdote que se remémore ensuite Joseph II au sujet de sa sœur Marie-Antoinette  - celle qui devait si mal finir, avait juste un an de plus que Mozart et releva le Wolfgang de six ans après une glissade sur le parquet ciré -, figure bien dans la biographie de Mozart que Nikolaus von Nissen a écrite d’après les souvenirs de Constance (dont il fut le second mari). Une histoire de demande en mariage (« quand je serai grand, je vous épouserai ») que ladite Constance a du entendre maintes fois raconter par son époux ou par son beau-père - bien qu’elle ait peu connu ce dernier.

Est authentique également le désir de Wolfgang  de composer un opéra en allemand : né d’un père bavarois, grandi tout près de la frontière allemande, voici en effet ce que Mozart écrivit le 21 mars 1785 au dramaturge Anton Klein, pour le remercier de l’envoi d’un livret qu’il ne put hélas mettre en musique, l’opéra italien prenant alors toute la place à Vienne : « Ce serait vraiment une tâche pour l’Allemagne si, nous autres Allemands, nous nous mettions sérieusement à penser en allemand, à agir en allemand, à parler en allemand et même à chanter en allemand ! »

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