lundi 5 mars 2012

« Elles sont toutes magnifiques ! Pourquoi n’ai-je pas trois têtes ? »

Séquence suivante : Mozart essaie des perruques de couleurs et de formes fantaisistes, tandis que le pauvre Salieri s’échine à lui écrire une marche de bienvenue. Amusant mais faux car Mozart, une fois à Vienne, n’a justement plus jamais porté de perruque : il faisait poudrer de blanc puis nouer ses cheveux en catogan par un coiffeur qui venait chez lui tous les matins avant six heures. La raison de ce choix ? C’est le ténor irlandais Michael O’Kelly (1762-1826), le premier don Basilio des « Noces de Figaro », qui nous la donne : « Mozart était un homme remarquablement petit, très maigre et très pâle, avec une profusion de beaux cheveux fins dont il était très fier ».
Il existe deux portraits authentiques de Mozart adulte, tous deux réalisés en avril 1789 et qui nous montrent effectivement le compositeur « en cheveux »,  corroborant ainsi la description d’O Kelly : celui peint par son beau-frère Joseph Lange et la miniature à la pointe d’argent, qui orne la couverture de mon essai sur Mozart et que nous devons au talent de Doris Stock. On y voit effectivement un homme frisé aux tempes déjà dégarnies, avec quelques fils blancs au dessus des oreilles et dont les cheveux (chez Doris du moins, car le portrait de Lange est inachevé) sont rassemblés sur la nuque et attachés par un long ruban foncé. Le portrait de Mozart aujourd’hui le plus utilisé  – en redingote rouge, avec une perruque blanche et surtout un air méprisant – est un faux peint en 1813 à partir d’un portrait de Mozart à Salzbourg, à peine sorti de l’adolescence et posant avec son père et sa sœur en tenue d’apparat.

Parlons à présent du ricanement chevalin dont Forman a absolument tenu à affliger Mozart – alors qu’aucun des proches du compositeur n’en a jamais fait mention dans les documents qui nous sont parvenus. Sophie, la plus jeune sœur de Constance, de loin celle qui a donné le plus de renseignements sur Wolfgang, nous fait entrevoir une personnalité bien différente : « Il était toujours de bonne humeur mais même là, très absorbé, regardant dans les yeux d’un regard perçant, répondant à tout, que ce fût gai ou triste, avec à-propos, bien qu’il parût absorbé par autre chose. Même en se lavant les mains, le matin, il allait et venait dans la chambre, ne restait jamais tranquille, choquant un talon contre l’autre, et toujours réfléchissant. À table, il prenait souvent un coin de sa serviette, le tordait, se le passait et repassait sous le nez, et, absorbé dans ses pensées, semblait ne pas s’en rendre compte. Souvent il joignait à ce geste une grimace de la bouche…Il était toujours en mouvement des mains et des pieds, jouait toujours avec quelque chose, son chapeau, ses poches, sa chaîne de montre, des chaises, comme avec un clavier ».

Un hyperactif rêveur, semble-t-il. Ou un pierrot lunaire, infiniment plus sympathique et plus émouvant, en tous cas, que la « tête à claques » que Forman a créée de toutes pièces.

2 commentaires:

  1. Bonsoir
    En fait Milos Forman se serait référer à une correspondance d'une dame de haute lignée qui, lors d'une soirée, aurait eu Mozart parmi ses invités. Cette dame exprimait dans une lettre sa stupéfaction devant Mozart "comment cet homme doué d'un tel génie puisse avoir un rire aussi bestial". Personnellement, je considèrerais le rire prêté à Mozart dans le film, davantage puérile que bestial. Mais, comme vous le dites, il est fort peu probable que le rire de Mozart devait être tel que Forman le présente.

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    1. Dans le livre de Nissen, Contance Mozart dit que son mari "riait pour des bêtises" et non qu'il avait un rire bête. La nuance est de taille.

      Cordialement,


      Michèle Lhopiteau-Dorfeuille

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