Le
film « Amadeus », dans sa version courte comme dans sa version
longue, nous montre Mozart écartelé entre deux commandes simultanées et
parfaitement incompatibles, celle du « Requiem » et celle d’un joyeux
singspiel en allemand, « La
Flûte enchantée ». Deux ouvrages qu’on le presse de
toute part de finir car les chanteurs désirent commencer sans tarder les
répétitions tandis que le mystérieux messager masqué revient à intervalles
réguliers vérifier si sa commande avance. Un conflit cornélien, pour ne pas
dire la quadrature du cercle !
Il
n’y eut donc jamais la moindre interférence entre les deux chefs-d’œuvre dont
parle le film.
Il
ne faut pas non plus apporter le moindre crédit à des scènes qui nous montrent
Mozart, en plein hiver ( ?), buvant, bambochant et passant la nuit avec
les interprètes - en tenues légères - de « La Flûte
enchantée » ; profitant bien sûr de la fuite soudaine de Constance,
effrayée de le voir - selon les dires même de la jeune femme dans le film -
« devenir fou ».
Il
s’agit ici encore de ragots datant du XIXème siècle et ne reposant sur aucun
témoignage fiable : si Constance n’était effectivement pas à Vienne durant
l’été 1791, celui de l’écriture de la « Flûte », c’est qu’elle
attendait à Baden, en compagnie de sa sœur Sophie et avec Süssmayer comme
chaperon, la naissance de son sixième enfant - tout en prenant des bains soufrés
car elle était affligée, depuis quelques années, d’ulcères variqueux. Un petit garçon
qui naîtra le 26 juillet 1791 et va, enfin, survivre.
Lettre
à Constance de juin 1791 : « Pourquoi
n’ai-je pas reçu de lettre hier soir ? Pour que je vive plus longtemps
dans l’angoisse à propos des bains ? ». Puis Mozart se confie
davantage : « il n’est pas
bon du tout pour moi d’être seul, quand j’ai quelque chose en tête ». Enfin, pour la première
et la dernière fois de sa vie, le compositeur met des mots sur son
mal-être : «Tu ne peux pas croire
combien tous ces temps-ci, le temps m’a duré loin de toi ! Je ne puis
t’expliquer mon impression, c’est un certain vide qui me fait mal, un certain
désir qui n’est jamais satisfait et ne cesse donc jamais, qui persiste et même
croît de jour en jour. Seul le désir que tu entretiennes ta santé m’a incité à
te presser d’aller à Baden !» -
Il
y a plus attendrissant encore : toujours en juin 1791, dans une lettre
entièrement en français - qui prouve que Constance lisait cette langue -,
Mozart fait part à sa femme de ses inquiétudes permanentes : « je tremble quand je pense au bain du St Antoine, car je crains toujours
le risque de tomber sur l’escalier en sortant. Si vous n’étiez pas grosse, je
craindrais moins. Mais abandonnons cette idée triste ! Le ciel aura
certainement soin de ma chère Stanzi-Marini ».
On
peut - bien sûr - dire que Mozart mentait à sa femme, faisant mine de s’ennuyer
d’elle et de s’inquiéter de son sort alors qu’il passait ses nuits avec
d’autres. On peut même filmer la scène en question, en décrétant que les mots de
Mozart ne veulent rien dire. Au nom des sacro-saintes liberté d’expression et
liberté artistique tout est toujours possible, surtout quand les personnes dont
on parle ne sont plus là. Mais si Wolfgang avait été d’une telle duplicité, si
le personnage si droit et si intègre que dessinent en creux les lettres qu’il a
envoyées tout au long de sa vie – à sa femme mais aussi à sa sœur, à son père
et à son ami Jacquin – n’avait été qu’un masque, alors il n’aurait pas été
Mozart, ce compositeur dont la musique ne triche justement jamais.
Revenons
au film. Mozart menant de front l’écriture de deux ouvrages
différents n’est tout de même pas une invention pure et simple de Shaffer
et Forman : vers la fin de la composition de « La Flûte enchantée »,
Wolfgang a effectivement reçu la commande d’un opéra seria en italien, devant être impérativement joué le 6 septembre à
Prague, pour le sacre du nouvel empereur Léopold II. Une commande très bien
payée et surtout une opportunité que le compositeur ne pouvait se permettre de
laisser filer. Sa « Clémence de Titus », très différente elle aussi
de « La Flûte
enchantée », fut donc écrite en un temps record tandis que Mozart achevait
l’orchestration de son singspiel allemand.
Constance, dans la biographie écrite par son second mari, dit d’ailleurs que
Wolfgang se mit à prendre, à partir de septembre 1791, « beaucoup de
médecine » pour pouvoir faire face à ses obligations.
Il
y eut aussi un « empiètement » entre le « Requiem » et une
oeuvre différente, mais choisie cette fois par le compositeur - à qui
l’interruption momentanée de l’écriture de sa « Messe des Morts »
apporta un grand soulagement : il s’agit d’une joyeuse cantate maçonnique
sur un livret de Schikaneder, « L’Éloge de l’Amitié », que Mozart
écrivit en une semaine et dirigea en personne dans sa nouvelle loge, le 17
novembre 1791.
Trois
jours avant de s’aliter pour ne plus se relever.
Bonjour
RépondreSupprimerJ'ai vu récemment l'affiche d'un spectacle (musiscal-théâtral) dont le titre est "Amadeus, la Flûte Enchantée...histoire d'une quête".
La mise en scène est de Pierre Catala
La direction musicale est de Jean-Bernard Pommier
Et l'acteur qui joue le rôle de Mozart est : Daniel-Jean Colloredo (non, ce n'est pas une blague)
Je n'en sais pas plus hélas...
Incroyable, s'appeler Colloredo et incarner Mozart, il fallait le faire !
SupprimerDans quelle ville avez-vous vu l'affiche de ce spectacle ?
Cordialement,
Michèle Lhopiteau-Dorfeuille
Bonjour (et désolé d'avoir tardé à vous répondre). C'est à Béziers que j'ai vu cette affiche. J'ai pu aussi la prendre en photo (mais comment vous la faire partager ?). Par ailleurs, en vérifiant la personne de Daniel-Jean Colloredo j'y ai découvert un acteur de théâtre bien réputé (pareil pour Jean-Bernard Pommier, pianiste et chef d'orchestre de renom). Je n'ai, hélas, pas vu ce spectacle qui, pourtant, incite à la curiosité. Cordialement.
RépondreSupprimerJ.B. Pommier est en effet très connu. Pourquoi ne pas me faire parvenir la photo de cette affiche par mail ?
Supprimerlhopiteau@aol.com
D'avance merci
Michèle Lhopiteau-Dorfeuille
je pense que vous faite erreur en disant que Mozart commence sont requiem le 8 Octobre? ou alors stanzi c'est trompé de date!!!
RépondreSupprimerlettre de Mozart A M. DA PONTE
Septembre 1791
Très cher Monsieur,
Je voudrais suivre votre conseil, mais comment y réussir? J'ai la tete perdue, je suis a bout de forces et je ne puis m'oter des yeux l'image de cet inconnu. Je le vois continuellement,qui me presse, me sollicite et me réclame impatiemment mon travail. Je continue, parce que la composition me fatigue moins que le repos. Au surplus je n'est plus a trembler; je suis près d'expirer! J'ai fini avant d'avoir joui de mon talent! Et pourtant la vie était si belle ! La carrière s'ouvrait sous des auspices si fortunés!...Mais on ne peut changer son propre destin. Nul n'est assuré de ses propre jours; il faut se consoler: il en sera ce qu'il plaira a la providence. Je termine en ce moment mon chant funèbre, car je ne dois pas le laisser imparfait.
Au mois de juillet, Mozart avait un jour reçu la visite d'un inconnu long, maigre vêtu de gris a l'air grave qui lui avait remis une lettre anonyme ou on lui proposait de composer une Messe de requiem pour le prix qui désignerait, mais il ne devait pas chercher a connaitre celui pour lequel il entreprendrait ce travail. Mozart demanda 100 ducats en même temps les états de Prague le désignèrent pour composer la Clemence de Tito, donné le 6 septembre pour les fêtes du couronnement de Lèopold II . Au moment ou Mozart montait en voiture avec sa femme, pour se rendre a Prague, l'inconnu se presenta soudain et réclama le Requiem. Mozart déjà malade, fut frappé de cette apparition enveloppée de mystère et se figura des lors qu'il travaillait pour ses propre funérailles.
cette lettre est de septembre 1791 et il dit bien qu'il a deja commencé le Requiem