La
fin d’« Amadeus » est la plus belle partie du film, et renferme même des
scènes miraculeuses où le vrai et le faux sont inextricablement mêlés -
certaines légendes n’ajoutant pourtant rien à la valeur de la musique de
Mozart, ni à la tristesse, bien réelle, que sa disparition prématurée allait
causer à tous.
Le
fameux messager masqué et tout de noir vêtu qui vient commander anonymement une
« Messe des Morts » à Wolfgang, et dont la vue terrifie le
compositeur, est une invention de Constance Mozart, reprise par de nombreuses
biographies. Mais depuis 1963, et grâce au travail du musicologue allemand Otto
Schneider - qui a retrouvé le contrat
signé devant notaire par Mozart et le vrai commanditaire du Requiem - nous
savons que Wolfgang le connaissait parfaitement : il s’agissait du riche
comte von Walsegg, un « Frère » de 28 ans qui venait de perdre, cinq
mois plus, tôt son épouse Anna von Flammberg (âgée de 20 ans). Ravagé de
chagrin, Walsegg voulut, en plus d’un mémorial de marbre érigé dans sa
propriété, commander pour 100 ducats une oeuvre à Mozart – dont il connaissait
la superbe musique maçonnique. Le contrat stipule en outre que le compositeur
ne devait conserver aucune copie de cette « Messe des Morts » et que
Walsegg en achetait l’exclusivité.
Si
Constance a travesti la vérité, c’est qu’elle n’a pas respecté le contrat en
question : veuve avec deux enfants à charge et 3 000 florins de dettes à
éponger, elle vendit quatre fois la partition du « Requiem » (dont
elle avait bien sûr conservé un exemplaire). Lequel « Requiem » fut
en outre chanté à Vienne en 1793, sous la direction du fidèle van Swieten –
dans un concert public qui lui rapporta 300 ducats.
Salieri
sous le masque du commanditaire est donc une pure fiction, pourtant
parfaitement cohérente avec l’histoire que Shaffer et Forman veulent nous
raconter : le musicien sans génie qui veut, par un subterfuge, faire passer
pour sienne la plus belle oeuvre de Mozart après avoir auparavant
éliminé son véritable auteur : « et
Dieu forcé d’écouter ! Impuissant à rien empêcher ! ».
Murray
Abraham fait merveille à l’écran mais il n’est pas sûr que le vrai Salieri
aurait apprécié !
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