lundi 5 mars 2012

« Je viens vous commander une « Messe des Morts » pour quelqu’un qui en méritait bien une et qui ne l’a pas eue »

La fin d’« Amadeus » est la plus belle partie du film, et renferme même des scènes miraculeuses où le vrai et le faux sont inextricablement mêlés - certaines légendes n’ajoutant pourtant rien à la valeur de la musique de Mozart, ni à la tristesse, bien réelle, que sa disparition prématurée allait causer à tous.

Le fameux messager masqué et tout de noir vêtu qui vient commander anonymement une « Messe des Morts » à Wolfgang, et dont la vue terrifie le compositeur, est une invention de Constance Mozart, reprise par de nombreuses biographies. Mais depuis 1963, et grâce au travail du musicologue allemand Otto Schneider -  qui a retrouvé le contrat signé devant notaire par Mozart et le vrai commanditaire du Requiem - nous savons que Wolfgang le connaissait parfaitement : il s’agissait du riche comte von Walsegg, un « Frère » de 28 ans qui venait de perdre, cinq mois plus, tôt son épouse Anna von Flammberg (âgée de 20 ans). Ravagé de chagrin, Walsegg voulut, en plus d’un mémorial de marbre érigé dans sa propriété, commander pour 100 ducats une oeuvre à Mozart – dont il connaissait la superbe musique maçonnique. Le contrat stipule en outre que le compositeur ne devait conserver aucune copie de cette « Messe des Morts » et que Walsegg en achetait l’exclusivité.

Si Constance a travesti la vérité, c’est qu’elle n’a pas respecté le contrat en question : veuve avec deux enfants à charge et 3 000 florins de dettes à éponger, elle vendit quatre fois la partition du « Requiem » (dont elle avait bien sûr conservé un exemplaire). Lequel « Requiem » fut en outre chanté à Vienne en 1793, sous la direction du fidèle van Swieten – dans un concert public qui lui rapporta 300 ducats.
Salieri sous le masque du commanditaire est donc une pure fiction, pourtant parfaitement cohérente avec l’histoire que Shaffer et Forman veulent nous raconter : le musicien sans génie qui veut, par un subterfuge, faire passer pour sienne la plus belle oeuvre de Mozart après avoir auparavant éliminé son véritable auteur : « et  Dieu forcé d’écouter ! Impuissant à rien empêcher ! ».

Murray Abraham fait merveille à l’écran mais il n’est pas sûr que le vrai Salieri aurait apprécié !

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