L’archevêque Colloredo, tout de pourpre et de dentelles vêtu, précédé d'une volée de soutanes, fait dans le
film une entrée fracassante, et pour cause : même s’il dépendait politiquement des Habsbourg
– de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche et de son fils Joseph II, pour être
précis - Colloredo était Primas Germaniae, autrement dit l’archevêque le plus puissant de la sphère germanique, juste après le pape. Et il était seul maître à bord dans sa prospère
principauté de Salzbourg, où il édictait ses propres lois.
Son arrogance et son
mépris envers Mozart ne sont pas davantage une fiction car comme beaucoup de
ses pairs "allemands", Colloredo ne voyait en ses musiciens de cour
que des domestiques, privés du droit le plus élémentaire de se démettre de leur
fonction.
Le film montre Mozart proposant à sa Seigneurie de quitter
son service : dans la réalité, Mozart envoya à Colloredo quatre lettres de
démission - qui, toutes, restèrent sans réponse.
Et c’est là que le film s’égare : Forman nous montre Mozart
saluant très bas la foule de ses admirateurs, tournant délibérément le dos à
son maître en lui montrant par la même occasion un derrière ironique, et
reprenant sa liberté sous les vivats de ses fans.
La réalité fut hélas beaucoup plus cruelle et voilà ce que Mozart,
le 6 mai 1781, écrivit à son père au sujet de cette entrevue avec Colloredo, à
Vienne : « tout d’une haleine
il m’a traité de fou, de gueux, de
parasite. Cela allait comme un incendie, oh ! Je ne pourrais pas tout vous
écrire ! ».
Fatigué d’attendre une réponse à ses quatre demandes, Wolfgang retourna un mois
plus tard chez le Prince-Archevêque. Mais c’est le comte Arco, directeur du
personnel de sa Seigneurie, qui se chargea de l’accueillir. Lettre à Léopold du
8 juin 1781 : « pendant quatre
semaines, on fait marcher quelqu’un ; et à la fin, quand ce quelqu’un est
obligé de présenter lui-même sa requête, on le flanque à la porte et on lui
donne un coup de pied au cul. C’est ça, le comte qui a tant de cœur (si j’en
crois votre dernière lettre) ? C’est ça, la cour où je dois servir ?
Cela s’est passé dans l’antichambre, de sorte qu’il n’y avait pas autre chose à
faire que de sauter dehors et de s’enfuir ».
Mozart n’a donc arraché sa liberté qu’au prix d’une terrible
humiliation publique que, pour une raison pour moi incompréhensible (car le
réalisateur n’hésitera jamais, par ailleurs, à noircir le tableau), Milos
Forman a choisi de ne pas nous montrer.
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